Les entrepreneurs du ping-pong (4/4)

© Clément Girardot
L'entrepreneur Florian Plüer, inventeur d'une gamme de mini-tables. Soirée Dish Tennis, au Prater Sauna, Vienne. 

Né à la fin du XIXe siècle d'un affrontement épique entre plusieurs marques de jeux, le ping-pong suscite toujours des vocations entrepreneuriales. Bars thématiques, raquettes customisées ou mini-tables, ces offres de niche innovantes trouvent leur public. Quatrième et dernier volet de notre enquête à travers l'Europe.

Les portes sont grandes ouvertes au 4 rue Victor Gelez dans le quartier de Belleville. A l’extérieur, un néon vert annonce «Gossima». Inauguré une année auparavant, en juin 2013, cet établissement vient d’être élu meilleur bar concept de Paris par les lecteurs du magazine Time Out. A l’intérieur, en plus de l’incontournable zinc, un espace restauration avec vue sur de rutilantes tables de ping-pong. La déco industrielle fait référence à l’ancien garage automobile qui occupait les lieux. «Je me suis lancé dans ce projet après avoir travaillé dix ans dans le marketing et l’organisation d’événements sportifs», déclare Jérôme Guilbert, 38 ans. Ce pongiste aguerri s’est associé avec Jean-Philippe Gatien, champion du monde 1993 et d’autres anciens membres de l’équipe de France pour réunir le capital nécessaire. Un an et demi après l’ouverture, l’affaire tourne bien: «Nous sommes huit salariés», précise son gérant. «Le bar est rentable grâce à deux clientèles, celle des particuliers et celle des entreprises pour lesquelles nous avons organisé une vingtaine de soirées évènementielles rien qu’au mois de décembre. Ceux qui viennent au Gossima ont en moyenne trente ans, ce sont autant des hommes que des femmes». Pour réserver une table, il leur en coûtera 5 euros la demi-heure avant 18 heures et 6 ensuite. Le lieu surfe sur le retour en grâce du tennis de table: «Aux Etats-Unis, un club chic du nom de Spin Galactic s’est ouvert à New York en 2009 avec l’actrice Susan Sarandon comme actionnaire. Ils ont pas mal contribué au renouveau de l’image du ping-pong auprès du grand public et des marques», souligne Jérôme Guilbert. Ce lieu branché vise une clientèle aisée, les tarifs sont supérieurs à ceux de Paris: la demi-heure revient à 15 dollars (13 francs) avant 18 heures et 25 (22 francs) pour le reste de la soirée. Le spin désigne la puissante rotation avant imprimée à la balle quand le joueur vient la frotter du bas vers le haut avec sa raquette.

A Paris, l’intrigante appellation Gossima appartient aussi au champ lexical du tennis de table et fait référence à ses origines, lorsqu’à la fin du XIXe siècle, la bourgeoisie victorienne jette son dévolu sur ce nouveau hobby. «L'Anglais John Jaques, qui avait une entreprise de jeux de société, a commercialisé en 1891, sous le nom de Gossima, le premier coffret avec deux raquettes, un filet et une balle», raconte le gérant du bar éponyme. Cette époque est marquée par une concurrence acharnée entre entrepreneurs rivaux. Les dénominations ping-pong, «whiff-whaff», «parlour tennis», «pim-pam», «netto» et bien sûr «table tennis» se bousculent. Au tout début du siècle dernier, Jaques s’associe avec le prestigieux magasin Hamleys de Londres et dépose la marque «ping-pong», bien que cette expression soit déjà couramment utilisée. Avec son partenaire et distributeur américain, il veille à faire interdire toute mention de l’onomatopée en dehors de leurs propres produits. La démarche irrite de nombreux pratiquants et, au final, c’est l’expression tennis de table qui est officiellement adoptée pour désigner le nouveau sport. La Fédération internationale est fondée en 1926 et son siège est installé à Lausanne. 

Puis, contrairement à d’autres sports, le tennis de table s’est développé en ignorant voire en dédaignant les pratiques récréatives. Les fédérations et les grandes marques du secteur se focalisent quasi exclusivement sur la compétition. Des entrepreneurs inspirés ont su tirer parti de cette situation pour lancer des produits décalés. «Les joueurs sérieux m’ont dit: "Tu ne peux pas faire ça, c’est contre les règles"» rapporte David Lowe, le dynamique fondateur d'Überpong. Cet Anglais de 34 ans au visage fin a brisé un dogme intangible du tennis de table: chaque raquette doit avoir une face rouge et une face noire. Mais l’entrepreneur basé au Texas trouve ce classicisme «ennuyeux». Il monte en 2012 sa propre start-up de production de raquettes customisées et de vente en ligne dont le slogan est: «Joue avec style». «L’idée de créer une activé autour du ping-pong, m’est venue quand je travaillais à Londres, se souvient David Lowe. On avait une table dans les bureaux et j’étais accro. J’ai démissionné et déménagé aux Etats-Unis au début 2012. En juillet, j’ai lancé une campagne de financement participatif. L’idée était d’adapter la réussite du ping-pong social en Angleterre au marché américain, qui est plus réceptif aux idées nouvelles. J’ai choisi les raquettes car la taille est très importante. Quand tu commences un business dans ton appartement, mieux vaut voir petit. Les première raquettes étaient stockées chez moi, au grand désarroi de ma femme.» Sur le site internet ou depuis l’application pour Smartphones, les clients ont le choix entre trente designs très différents, en lien direct avec le ping-pong ou issus d’autres univers graphiques: un lion qui sourit pour les enfants, un loup stylisé pour les ados, ou encore une statue de la Liberté affublée d’une moustache. Ses raquettes sont vendues à 25 francs, et pour 15 francs de plus, il est possible de confectionner son propre modèle. «A la suite des retours que nous avons eus, nous avons lancé un outil de personnalisation de raquettes. Son utilisation est très simple, il suffit de charger une photo depuis Instagram, Facebook ou son ordinateur. Ensuite, nous imprimons le visuel sur le revêtement et nous envoyons la commande.» La start-up d’Austin dispose maintenant de locaux où trois employés travaillent avec David. Überpong a expédié des raquettes dans plus de 250 pays et a multiplié par cinq son activité entre 2013 et 2014. De célèbres multinationales américaines se trouvent parmi ses clients: Coca-Cola, Nike, Lewis ou encore Google. Son fondateur voit l’avenir en grand: «Nous voulons organiser des événements d’envergure mondiale avec des pros, du street art, de la musique, et mettre sur pied une grande tournée afin d’exporter notre vision du ping-pong dans différents pays!» 

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