Snowden 11 septembre Snowden 11 septembre
Thomas Drake au FIFDH, février 2015.© Miguel Bueno

Snowden avant Snowden: les fantômes du 11 septembre (1/3)

Thomas Drake est l'un des premiers lanceurs d’alerte des Services secrets américains, la NSA. Il a lancé l’alerte sur les dérives de l’Agence, un véritable travail de taupe mené durant plusieurs années, qui va bouleverser son existence… pour le pire. Rencontre avec un homme remarquable, brisé à tout jamais.

Dans l’un des Apple Store de la banlieue de Washington travaille un vendeur pas tout à fait comme les autres; malgré son tee-shirt bleu frappé du logo de la pomme croquée, il détonne quelque peu au milieu de ses collègues. Pour ces derniers – la plupart étudiants –, ce job marque leur entrée dans la vie professionnelle quand il ne leur sert pas à financer des études scandaleusement coûteuses. Pour Thomas Drake, il représente sa dernière planche de salut, la seule opportunité de se maintenir à flot, la dernière étape avant la rue. «Je serai éternellement reconnaissant à l’équipe de l’Apple Store, me dit-il. Ils m’ont embauché alors que personne ne voulait de moi, malgré mes compétences. Et ils m’ont toujours soutenu, même au plus fort de la tempête qui a failli m’emporter.» Il déambule au milieu des MacBook et des iPad, vantant aux chalands les mérites d’une machine sans que rien ne trahisse son passé de haut responsable du plus secret, du plus inquiétant et du plus mystérieux des Services de renseignement américains, la National Security Agency (NSA). Dette à la hauteur du million de dollars, famille laminée par un divorce pénible, Tom Drake s’est vu brisé, ruiné, pour avoir révélé une vérité que nul ne voulait entendre. Mieux que quiconque il sait ce qu’il en coûte d’avoir été un lanceur d’alerte dans l’Amérique de George W. Bush puis dans celle de Barack Obama. D’avoir été Snowden avant Snowden.

Thomas Drake revient de loin – de très loin. Un matin d’avril 2010, à l’heure de la tournée du laitier, sa famille et lui-même sont réveillés par une cohorte d’agents armés du FBI qui mettent sens dessus dessous toute la maisonnée, jusqu’à la chambre des enfants. Sur le mandat de perquisition figurent les accusations les plus graves qui puissent être proférées contre un citoyen américain: «Traître à la Nation», «Ennemi de l’Etat». Ni plus ni moins. De quoi croupir pendant plus de 35 ans dans une prison de haute sécurité. Drake aurait enfreint la Loi sur l’espionnage de 1917, laquelle n’a été utilisée que dans quelques rares cas dont celui d’Aldrich Ames, taupe du KGB au sein de la CIA, responsable dans les années huitante de l’exécution de dizaines de citoyens russes travaillant pour les Américains. Comme les poursuites avaient été initiées sous l’administration Bush, Tom Drake a suivi, empli d’espoir, l’arrivée au pouvoir de Barack Obama. Républicain bon teint, Drake a applaudi ce nouveau président qui prônait la cause de la transparence. Il s’est réjoui d’entendre le démocrate parler avec admiration des lanceurs d’alerte, qualifiés de «meilleure source d’information sur les déchets, la fraude et les abus au sein du gouvernement». Mais Drake a très vite déchanté… En recevant les représentants d’associations de lanceurs d’alerte, le président a vite abattu son jeu: les alertes ne seront tolérées que si elles ne mettent pas en danger la «sécurité nationale». Jamais administration ne s’est montrée plus inflexible envers les lanceurs d’alerte que celle d’Obama. Les poursuites sont désormais systématiques et violentes. Jamais l’Espionage Act n’a été autant sollicité – 7 fois en 5 ans. Ce dernier n’avait jusqu’alors été employé que très rarement, lors des deux guerres mondiales et pendant la guerre froide, pour traquer des agents ennemis. 

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