Pieter Van Ostaeyen, traqueur de djihadistes

© Luca Bernardi
Pieter Van Ostaeyen traque les djihadistes sur les réseaux sociaux depuis chez lui. 

Les autorités, les forces de polices et les services secrets ne sont pas les seuls à pister les combattants étrangers sur les réseaux sociaux. De simples citoyens (journalistes, chercheurs, blogueurs) se dévouent aussi à cette activité. Pour le travail et parfois, par passion. Le Belge Pieter Van Ostaeyen est l'un d'entre eux.

Cette carte de visite, mince morceau de papier cartonné, se perd au milieu des montagnes de feuilles A4, de revues et livres qui s’amoncellent sur la petite table en bois de la cuisine de Pieter Van Ostaeyen. De couleur crème, on la remarque à peine parmi ces montagnes de rapports en anglais, français, néerlandais et arabe, au sujet des combattants étrangers partis faire le djihad en Syrie et en Irak. Et pourtant, elle porte l’espoir d’une famille belge qui a perdu contact avec son fils, la petite vingtaine, parti guerroyer aux côtés des troupes de Daech. «Il y a trois semaines, j’ai reçu un appel de Child Focus, une fondation qui s’occupe de personnes disparues», explique Pieter Van Ostaeyen, désignant la carte de visite du bout du doigt. Le trentenaire sur le tard tire sur sa cigarette. 

Nous sommes sur le balcon de son appartement dans une banlieue anonyme de Malines, petite ville grise de Flandre. Il a un air grave, presque solennel alors que le vent de l'hiver 2014-2015 me fait frissonner. «La directrice était à la recherche d’un adolescent et craignait qu’il ne soit en Syrie. Malheureusement, c’était vrai. Pour lui et pour trois autres jeunes que j’ai pu identifier. Le plus jeune avait 13 ans». Et ce n’est pas le seul apprenti djihadiste qu’a repéré cet analyste pour une société de transports la journée. Il compte plus de 385 combattants de l’islam à son tableau de chasse, dont une trentaine de femmes et douze mineurs. «Je me suis intéressé au "djihad" lors de mon cursus à l’Université catholique de Louvain, en histoire et études islamiques», raconte celui qui passe ses nuits, parfois jusqu’à six heures de temps durant, à traquer des candidats belges à la guerre sainte, parmi les plus nombreux en provenance d’Europe. «Mon mémoire, je l’ai consacré à Salāh ad-Dīn Yūsuf, du temps où les musulmans se battaient pour la reconquête de la Terre Sainte». Plus connu sous le nom de Saladin (1138-1193), le sultan de la dynastie des Ayyoubides fut l’artisan de l’unification de la Syrie musulmane et de la reconquête de Jérusalem en 1187, alors occupée par les Francs.

C’est précisément lors d’un voyage dans ce pays en 2008 que Pieter Van Ostaeyen a l’occasion, six semaines durant, de découvrir Damas, Alep et d’autres lieux qui ont été l’objet de ses recherches académiques. «J’y ai passé un séjour incroyable, la Syrie était un pays magnifique à cette époque», se souvient-il, nostalgique. Et c’est aussi à cause de la Syrie et de la guerre civile qui y fait rage depuis 2011 que Pieter Van Ostaeyen se lance dans sa croisade. Mais c’est de Libye que vient l’événement déclencheur. Le 11 septembre 2012, l’ambassadeur américain John Stevens est assassiné à Benghazi. «Cela a donné lieu à un traitement de l’information partisan, biaisé et parfois erroné. C’est pourquoi j’ai voulu, dans une logique de pédagogue, donner une vision plus pragmatique et objective de la situation». Le jeune Belge décide alors de se spécialiser dans les groupes islamistes radicaux. Il étudie leurs objectifs et leurs motivations. Puis, il se concentre sur les combattants étrangers. 

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