C’est écrit au début de Cocksucker Blues: «the events depicted in this film are fictitious», il ne s’agit pas d’une histoire vraie! A la place, le spectateur est convié à une vision extraordinaire qui n’a rien, mais alors rien à voir avec un quelconque portrait d’un groupe de rock en ce début des années 1970. Ce pornographic album et ce dirty film que Marshall Chess, le producteur, appelle de ses vœux au début du film, est l’œuvre maudite de Robert Frank, puisque légendairement invisible, sinon à des conditions drastiques imposées par les Rolling Stones – quatre projections annuelles en présence du réalisateur en personne.
Film interdit, film maudit… Personne, réalisateurs, producteurs et autres (télé)diffuseurs, n’engagerait ces jours une telle démarche esthétique et narrative, habitée d’une inspiration si fiévreuse, inquiète, lucide, voyeuse. Et pourtant, à redécouvrir Cocksucker Blues (Le blues du suceur de bite), c’est le miracle d’un bonheur ébouriffant qui est éprouvé.
Le film n’a pas pris une ride, tant son énergie est intacte, ses cheminements et dérives sinueuses impromptus, ses scènes tenues jusqu’à leur paroxysme, ses ruptures vertigineuses.