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Sergio Rossi est professeur ordinaire de macroéconomie et d’économie monétaire à l'Université de Fribourg. © Nicolas Brodard

Plaidoyer pour un nouvel ordre monétaire

La chute vertigineuse du rouble durant l’année 2014 a donné lieu à toutes sortes d’interprétations. L’économiste russe Mikhaïl L. Khazin lie ce phénomène au système financier international, dont il prédit la fin prochaine. Une vision partagée par le professeur Sergio Rossi, spécialiste de macroéconomie et économie monétaire à l’Université de Fribourg.

Depuis la faillite de la banque d’affaires Lehman Brothers en 2008, l’économie mondiale a toutes les peines à sortir de la crise économique et financière. Dans ce marasme, les tensions géopolitiques se sont considérablement accrues, notamment entre les Etats-Unis et la Russie. Faut-il réformer le système financier pour éviter la catastrophe? Est-ce possible? Quelques pistes de réflexion avec le professeur Sergio Rossi, titulaire de la chaire de macroéconomie et d’économie monétaire à l’Université de Fribourg (Suisse) et membre du conseil de fondation de la Fondation Jean Monnet pour l’Europe à l’Université de Lausanne.

Pouvez-vous nous expliquer ce qui a causé la chute vertigineuse du rouble russe fin 2014? Est-ce une attaque concertée contre le pays pour le punir de son intervention dans la crise ukrainienne?
Je ne crois pas à la théorie du complot. La chute du rouble peut s’expliquer par l’importante sortie nette de capitaux de Russie, qui s’est accélérée suite aux sanctions qui frappent le pays depuis la crise ukrainienne. Des sanctions qui empêchent surtout les banques russes de s’approvisionner en dollars américains. A celles-ci est venu s’ajouter l’effondrement des prix du pétrole, dont l’effet psychologique a précipité la dégringolade de la monnaie russe.

Quels seront les effets, en Russie et sur le plan mondial, de cette brutale dévaluation?
Ils vont être dramatiques pour la population russe car la forte augmentation des prix des biens de consommation va faire tomber un nombre important de ménages sous le seuil de pauvreté. C’est également un facteur de risque pour la stabilité politique du pays, parce que le sentiment anti-Poutine sera exacerbé. De plus, les difficultés économiques ainsi que l’instabilité politique de la Russie vont frapper prochainement l’économie européenne dans son ensemble, par une baisse du commerce international et l’aggravation des tensions géopolitiques à la frontière euro-asiatique.

L’économiste russe Mikhaïl Khazin conseille à la Russie de faire son chemin et d’«oublier» l’Union européenne pendant quelque temps. Notamment, selon lui, parce que la chancelière allemande Angela Merkel a montré, à Brisbane, qu’elle souhaitait instaurer la zone de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Union européenne (TATFA, en anglais). L’Europe a-t-elle intérêt à favoriser le TAFTA au détriment d’un rapprochement avec la Russie?
La zone de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Union européenne, qui est censée être instituée par le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement est une attaque virulente au modèle européen de l’économie sociale de marché. L’Europe en sortira perdante au profit des Etats-Unis. Il est donc clair que la Russie a intérêt à se tourner vers l’Asie afin d’essayer de relancer et de positionner l’économie russe face aux défis qui s’annoncent au plan stratégique et géopolitique.

Est-ce une guerre économique?
La globalisation des activités économiques et financières a engendré un état de «guerre économique» perpétuel. La «compétitivité» est son leitmotiv. Dans le monde entier, cela se fait au détriment des intérêts de la très grande partie de la population et de l’environnement. C’est une forme renouvelée de la lutte des classes, que les riches ont désormais gagnée à travers le monde occidental. Mais cette situation révèle également le caractère non viable d’un tel régime économique pour le bien commun.

Mikhaïl Khazin affirme que l’économie mondiale est injuste parce que fondée sur la prééminence du dollar américain, d’après le modèle financier des accords de Bretton Woods datant de 1944. Cette organisation monétaire serait à bout de course, selon lui. Elle n’aurait rien à offrir aux pays émergents comme la Russie. C’est pourquoi il prédit une grave crise mondiale dans l’année ou les mois qui viennent. Partagez-vous ce diagnostic?
Je partage une bonne partie de son analyse ainsi que son diagnostic. La convertibilité en or du dollar américain a pris fin en 1971, mais l’architecture du système de Bretton Woods continue d’exister aujourd’hui car le dollar demeure au centre du régime monétaire international pour le règlement des échanges internationaux de biens, de services et d’actifs financiers. Cela, même si quelques autres monnaies nationales (comme le yen, l’euro, le franc suisse, voire le renminbi) jouent également le rôle d’actifs de réserve.

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