Les traces invisibles de la guerre du Liban (3/3)

© Emmanuel Haddad
Situé au coeur du centre-ville de Beyrouth, le «jardin du pardon», un projet soutenu par Alexandra Asseily et le Centre des Etudes Libanaises, doit à terme recouvrir 2,3 hectares. Un participant de l'atelier accroche un bout de papier contenant un grief dont il souhaite se séparer sur une branche d'olivier.

Au Liban, la guerre est terminée depuis 1990. Mais de nombreux survivants sont prisonniers d'une guerre psychologique sans fin. Et rares sont ceux qui parviennent à briser le cycle de la violence pour en sortir.

Au premier plan, une maison familiale, une allée ornée de fleurs épanouies, une grille ouverte sur la rue. Action. Bassem Fayad se dirige vers la grille et son chien le suit. Arrivé au niveau de la rue, impossible de faire sortir le quadrupède. Il a peur. Mais de quoi? Pour le quadragénaire aux cheveux hirsutes et aux yeux ternes, c’est évident: tel maître, tel chien. L’animal a senti l’angoisse qui sclérose son propre quotidien. Il a flairé la peur qui, lui aussi, l’empêche de vivre sa vie. Les spectateurs découvrent les différentes facettes de cette anxiété dévorante tout au long du film autobiographique Diaries of a flying dog (Journal intime d’un chien volant), projeté lors du festival Beirut Cinema Days, le 19 mars 2015. Après le générique de fin, Bassem Fayad monte sur scène pour répondre aux questions. Assise sur l’un des strapontins rouges, une femme âgée sanglote en silence. Sa voisine, émue, prend la parole: «Merci Bassem. Nous avons tous vécu des événements traumatiques pendant la guerre et nous les avons gardés avec nous jusqu’à aujourd’hui. Merci d’avoir mis des mots sur nos maux.»

Assis sur la terrasse d’un café beyrouthin, son chien sous la table, Bassem Fayad revient sur son projet cinématographique: «Je souffre de dépression et de crises de panique depuis des années. Au début, je voulais appeler mon film Thérapie. Je voulais comprendre d’où venait cette angoisse. Après avoir rencontré plusieurs psychologues, lu énormément et tenté toutes sortes de traitements, j’ai découvert les différentes racines de mon mal. Il y a d’abord le facteur génétique: ma mère souffre aussi de troubles d’anxiété généralisée, tout comme ses sœurs. Mais l’incertitude de la guerre a joué un rôle important. En 1982, pendant l’invasion israélienne, j’ai vu les tanks pénétrer dans mon village. Je n’avais que sept ans. J’ai ressenti une impuissance totale à protéger ceux que j’aimais ainsi que moi-même. Ce sentiment de vulnérabilité nourrit mon anxiété.» Tout dans l’histoire intime de Bassem Fayad, 40 ans, ramène à cette guerre qui a bouleversé son enfance. Même sa date de naissance, le 6 décembre 1975, est de triste mémoire: le «samedi noir», jour du premier massacre de civils musulmans par la milice phalangiste.

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