Vivre à Alcatraz, c’était comme vivre dans un gigantesque fût industriel. Il s’en échappait peu de choses, et il y résonnait l’écho des vies s’entrechoquant derrière ses murs, année après année. Deux bâtiments pénitentiaires émergeaient du brouillard matinal, abritant deux cents hommes, un par cellule, qui se tenaient debout à côté de leur couchette, prêts à être comptés comme c’était le cas toutes les deux heures. C’était la même rengaine, encore et encore. Tous les dix jours, il y avait des histoires de rasoirs qu’on avait trouvés. Tous les mercredis et samedis, il y avait de l’eau chaude pour prendre un bain. Tous les courriers adressés aux prisonniers étaient relus par la police et réécrits sur le papier à lettre d’Alcatraz avant d’être distribués.
Deux heures par jour, les occupants des deux cents cellules de la prison se baladaient dans la cour entre les deux bâtiments, cerclée de murs. Six fusils les avaient à l’œil tandis qu’ils déambulaient dans un sens, puis dans l’autre. Quiconque vivait un certain temps à Alcatraz finissait par présenter d’étranges symptômes.