Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, dans une prison de haute sécurité quelque part aux Etats-Unis, deux hommes interrogent un condamné. Le premier, Jack Cloonan, est un agent du FBI, le deuxième, Pete Blaber, un officier de la Delta Force, l’élite des forces spéciales américaines. Il est en uniforme, son pays est en guerre. En face d’eux, un grand gaillard de près de 1m90 vêtu du survêtement orange des détenus. Considéré comme dangereux, des fers et des chaînes entravent ses poignets et ses pieds. Il s’appelle Ali Mohamed et détient certains des secrets les plus terribles d’Al-Qaïda, organisation qu’il a servie fidèlement pendant plus de dix ans. Pionnier de la route du 11 septembre, c’est pourtant un illustre inconnu. Bien que ses traits trahissent une origine égyptienne, il s’exprime en anglais sans accent. Le visage ouvert, rieur, on lui donnerait le Bon Dieu sans confession. L’armée égyptienne, l’armée américaine, la CIA, le FBI l’ont fait avant de s’en mordre les doigts… jusqu’au sang. Depuis son arrestation en septembre 1998, il est placé à l’isolement le plus absolu, sans accès à la télévision, ni à la radio ni aux journaux. Personne ne peut lui adresser la parole. Une manière comme une autre de le préparer à la confrontation avec l’agent du FBI qui le connaît le mieux.
– Dites-moi, à votre avis, demande Jack Cloonan, comment ont-ils fait pour détourner les avions et les précipiter contre les tours jumelles?
Ali Mohamed n’a rien perdu de sa superbe. Le regard illuminé, il raconte le détournement des avions comme s’il l’avait vécu. Il explique de quelles armes les pirates de l’air se sont servis, comment ils les ont introduites dans les appareils, quelles places stratégiques ils ont occupées, se répartissant entre la première classe (accès facile au cockpit) et la classe économique (contrôle des passagers et de l’équipage). Jack Cloonan a l’impression de vivre le détournement de l’intérieur. Il sait qu’Ali Mohamed n’a pas pu connaître la date et le déroulé exact de l’opération, il est depuis longtemps en prison. Mais il sait aussi qu’Ali Mohamed parle en connaissance de cause: c’est lui qui a mis au point la procédure d’attaque et le modus operandi des pirates de l’air. Il est l’Aventurier avec un grand A de la terreur islamiste. Tour à tour lieutenant-colonel dans l’armée égyptienne, agent infiltré de la CIA, sergent chez les bérets verts, informateur du FBI, mais aussi garde du corps d’Oussama ben Laden, instructeur militaire des principaux responsables d’Al-Qaïda et architecte des attentats les plus terribles de la fin du XXe siècle. Ses victimes, mortes ou blessées, se comptent par milliers. L’itinéraire d’Ali Mohamed plonge aux racines du djihad. De l’Egypte, avec l’assassinat du «dernier des pharaons» Anouar el-Sadate, aux ruines d’un Beyrouth en proie à la plus sanglante des guerres civiles, avant de rebondir dans une paisible banlieue de la côte ouest des Etats-Unis, de repartir dans les unités d’élite de l’armée américaine et de foncer vers les sanglants horizons de l’Afghanistan, du Soudan, de la Somalie et du Kenya. Niché au cœur du dispositif militaire ennemi, Ali Mohamed a été pendant plus d’une décennie l’arme secrète d’Al-Qaïda à l’intérieur de la forteresse américaine. Il a étroitement travaillé avec tous les membres du commandement de l’organisation (choura), en a entraîné certains au maniement des armes, à la fabrication d’explosifs et aux techniques de la clandestinité. Grâce à lui, ben Laden et ses hommes en savent beaucoup sur les méthodes de contre-insurrection employées par l’armée et les Services de renseignement américains. Sur ses conseils, ils ont adapté les cellules clandestines de leur organisation au mode d’action de leur ennemi. Il a formé et éduqué des milliers de guerriers de l’ombre et a même combattu avec certains. Djihadiste au Caire, il est l’un des rares sunnites à avoir fréquenté le Hezbollah chiite au Liban. On l’a vu aux côtés des moudjahidines en Afghanistan, des combattants de la guerre sainte au Soudan ou des milices en Somalie, avec pour seul Dieu Allah et pour seuls maîtres Oussama ben Laden et son ombre portée, Ayman al-Zawahiri. Les dizaines de militaires et officiers du renseignement américain qui l’ont côtoyé ne se sont jamais posé la question de son appartenance. Au mieux, ils pensaient l’avoir retourné. Au pis, ils le croyaient serviteur de deux maîtres. Quelle erreur! S’il a fait mine de trahir, c’était pour mieux servir Al-Qaïda. Un agent triple: John Le Carré apprécierait. La CIA et le FBI, moins.
Pendant plus de dix ans, personne n’a rien voulu voir. Quand il a été enfin démasqué par le FBI, il était déjà trop tard. Les routes de la terreur étaient tracées, Al-Qaïda avait porté ses premiers coups sanglants et s’apprêtait à en porter de plus terribles encore. C’est dans l’indifférence générale que le 20 octobre 2000 s’est ouvert aux Etats-Unis le procès du sergent de l’armée américaine Ali Abdel Saoud Mohamed dit Abou Omar, dit al-Ameriki (l’Américain), dit Ali Mohamed. L’homme aurait pourtant pu arrêter un drame noué depuis longtemps, car il connaissait suffisamment de secrets pour fournir aux enquêteurs les éléments nécessaires à stopper l’engrenage de la terreur. Il ne l’a pas fait. Ali Mohamed a par contre reconnu sa culpabilité et a été jugé selon un rite rapide et discret. Pas de débat contradictoire, ni l’accusé ni le gouvernement américain n’en voulaient. Pas question d’interrogatoire, de contre-interrogatoire, ni même d’expertise. La décision du gouvernement américain a-t-elle été motivée par un souci de discrétion: éviter un débat public susceptible de communiquer des informations confidentielles à l’ennemi? Des deux parties concernées, le gouvernement américain est celle qui avait le plus à gagner au silence. Un procès aurait immanquablement suscité des questions embarrassantes sur le rôle trouble joué par Ali Mohamed dans la politique antiterroriste américaine des années 1980 et 1990… Quand le juge fédéral Leonard B. Sand lui pose la question du but de son combat, l’inculpé répond:
— Je travaillais avec l’organisation égyptienne Djihad islamique qui avait des liens très étroits avec Al-Qaïda et ben Laden. Notre but était d’attaquer des objectifs occidentaux au Moyen-Orient pour forcer les gouvernements des pays occidentaux à s’en retirer.
— Et pour réaliser cet objectif, votre complot prévoyait de tuer des citoyens américains?
— Oui, Votre Honneur. Nous voulions appliquer la même méthode que celle employée en 1983, quand l’explosion de la base des Marines à Beyrouth a forcé les Américains à se retirer du Liban. Nous ferons la même chose en Arabie saoudite.
— Et cela impliquait un complot en vue de tuer des membres d’agences ou d’ambassades américaines?
— Oui, Votre Honneur.
— Et de détruire des bâtiments et des propriétés des Etats-Unis?
— Oui, Votre Honneur.
— Et d’attaquer des instruments de défense nationale?
— Oui, Votre Honneur.
Terribles révélations qui n’ont pas ému grand monde. Jugé à la sauvette, Ali Mohamed a été reconnu coupable et renvoyé en prison en attendant l’énoncé de sa peine. Le juge Sand s'était donné neuf mois pour rendre son verdict... Tous ceux qui l’ont côtoyé au FBI, à la CIA ou au sein de l’armée américaine n’ont qu’un seul désir: ne plus jamais entendre parler de lui. Ils vont être cruellement déçus. Moins d’une année après son procès, panique à Washington. Les tours jumelles ne sont plus. Elles se sont effondrées sur 2’752 êtres humains. Les sauveteurs fouillent encore dans les décombres, Manhattan ne s’est pas encore débarrassé des tonnes de débris, de blocs de béton, d’acier tordu, de paperasse et de morceaux de cadavres quand Ali Mohamed est extrait de sa cellule et sommé de venir en aide au gouvernement américain. Jack Cloonan et le militaire des forces spéciales qui lui font face dans une pièce insonorisée lui ont-ils promis quelque chose en échange de sa coopération? L’histoire ne le dit pas. Il a fallu près de trois ans à l’agent du FBI pour comprendre qui était vraiment Ali Mohamed. Trois ans d’une longue et épuisante partie de cache-cache. En revanche l’officier américain ne connaît pas le prisonnier et n’a qu’une envie: lui casser la figure.
— Nous allons frapper vos amis en Afghanistan, lance-t-il. Oussama ben Laden et ses protecteurs, le mollah Omar et les talibans. Vous allez nous aider. J’ai apporté des cartes, des images satellite, des photos prises par la CIA. Vous allez identifier les camps d’entraînement du mollah Omar et de ben Laden…
Le prisonnier se rengorge. Il ne cache pas sa fierté; un tantinet fanfaron, avec le culot qui le caractérise, il toise son interlocuteur et énonce d’un ton paternaliste:
— Laissez-moi vous donner un conseil: la nuit vous appartient. Tuez tout ce qui bouge la nuit. Les moudjahidines n’aiment pas bouger la nuit. Ils n’ont pas votre équipement…
Pete Blaber se durcit. Visiblement, il n’aime pas Ali Mohamed. Il est venu pour recueillir des informations précises, pas des conseils sur la manière de se battre. «Il fallait voir la scène, m’explique Jack Cloonan. D’un côté de la pièce, Ali, ficelé dans son survêtement orange et, de l’autre, l’officier des forces spéciales avec son air de brute. J’étais entre ces deux types qui ne s’aimaient pas. Pete regardait Ali de haut, avec mépris. Ali, lui, ne cachait pas son hostilité. Je me demandais comment rapprocher ces deux types. Si je ne le faisais pas, j’étais certain qu’on allait passer à côté de quelque chose.» L’agent du FBI entreprend de raisonner les deux hommes et finit par les convaincre qu’ils ont tout à gagner à surmonter leur hostilité réciproque et à mettre de côté leurs différences. L’ancien garde du corps d’Oussama ben Laden se penche sur les cartes d’état-major de l’Afghanistan que le militaire déploie devant lui et entreprend d’indiquer les positions de tous les camps et refuges d’Al-Qaïda qu’il connaît. Puis, prenant son souffle, il commence à raconter l’histoire de sa vie. Il va parler des heures durant sans être interrompu. Seules quelques rares personnes spécialement accréditées auront accès au procès-verbal de son interrogatoire classé top secret. Les autres devront se contenter d’assembler les pièces d’un puzzle incomplet.
Ali l’Egyptien (1952-1981)
Tout commence dans l’Egypte de Gamal Abdel Nasser. Ali Mohamed est né peu avant le coup d’Etat militaire qui renverse le roi Farouk en juillet 1952. Il grandit dans un pays en pleine mutation après le départ des Britanniques et la nationalisation du canal de Suez. C’est l’heure des grands travaux, du barrage d’Assouan, des vallées englouties et des temples sauvés des eaux, de la centralisation de l’Etat, de la nationalisation de l’industrie et de la réforme agraire. C’est l’heure aussi du «non-alignement» à l’égyptienne avec l’arrivée de 20’000 conseillers soviétiques. C’est l’heure enfin de la guerre aux islamistes. Depuis 1928, une puissante organisation panislamiste prospère dans le pays, les Frères musulmans. Son but: l’instauration d’une République islamique. Sa voie: le djihad, «la guerre juste» ou la guerre sainte. Sa croissance est exponentielle et, en vingt ans, elle est passée de 2’000 à 200’000 membres. Un temps principal soutien du nouveau régime, elle rompt rapidement en raison des orientations idéologiques du pouvoir. Le 26 octobre 1954, à la suite d’un étrange attentat dont il sort miraculeusement indemne, le président Nasser dissout la confrérie et jette en prison vingt mille Frères musulmans, dont le maître à penser de l’organisation, Sayyid Qutb.
Le jeune Ali Mohamed acquiert, lui, un début de conscience politique lors d’une visite à l’un de ses oncles, berger qui faisait paître son troupeau de chèvres en bordure du désert du Sinaï, non loin de la frontière israélienne. Certains de ses animaux s’étant aventurés en territoire étranger, l’oncle d’Ali Mohamed est intercepté par une patrouille qui le passe à tabac, confisque ses chaussures, ébouillante ses pieds avant d’abattre une partie de son cheptel. Ali Mohamed a quatorze ans… A compter de ce jour, il voue à l’ennemi sioniste une haine qui redouble en 1967, après l’humiliante défaite de l’Egypte, de la Jordanie, de l’Irak et de la Syrie lors de la guerre des Six-Jours. Un choc. Est-ce pour venger sa patrie qu’il rejoint l'armée et devient sous-officier en 1971 après un passage à l’Académie militaire du Caire? Ou est-ce pour suivre l’exemple de son père lui aussi militaire de carrière? Depuis la mort du raïs Gamal Abdel Nasser en 1970, l’Egypte est en pleine mutation. Son successeur, le président Anouar el-Sadate, en s'appuyant et encourageant les confréries musulmanes, joue à l’apprenti sorcier. Il leur propose un pacte: elles l’aident à se débarrasser de ses adversaires, les nasséristes et leurs alliés de gauche, en contrepartie elles auront le droit de s’exprimer pour peu qu’elles renoncent à la violence. Les prisons se vident, les exilés rentrent au pays, l’Etat favorise l’installation des «associations islamiques» dans les universités pour neutraliser les opposants. Le président Sadate ne réalise pas le danger. Le nouveau raïs rêve de faire de l’islam l’un des principaux instruments de son pouvoir. Mais à peine réintégrées dans la société égyptienne, les confréries musulmanes échappent au contrôle des autorités. Sous le couvert d’activités culturelles ou sociales, les islamistes tissent patiemment des réseaux de sympathisants. Aucun secteur de la population ne leur échappe, pas plus l’armée qu’un autre. Par centaines, officiers, sous-officiers et hommes de troupe les rejoignent. Y compris le régiment d’Ali Mohamed. Aussi doué pour les sports de combat que pour les langues, celui-ci a intégré les forces spéciales égyptiennes avec une spécialisation dans le renseignement. Le 6 octobre 1973, le jour du jeûne de Kippour, principale fête religieuse juive, l’Egypte et la Syrie attaquent Israël par surprise et s’emparent du désert du Sinaï et du plateau du Golan perdus lors de la guerre des Six-Jours. En dépit de la contre-attaque israélienne victorieuse, le président Sadate redore son blason et s’offre un triomphe politique. Le pays s’est trouvé de nouveaux héros: les combattants de la guerre du Kippour. Ali Mohamed en est.
Quatre ans plus tard, c’en est fini de l'état de grâce du président Anouar el-Sadate. Depuis sa visite officielle en Israël, le 19 novembre 1977, la révolte couve dans les rangs de l’armée. Elle redouble un an plus tard, lors de la signature le 17 septembre 1978 des accords de Camp David avec le Premier ministre israélien, Menahem Begin, sous le regard bienveillant du président des Etats-Unis, Jimmy Carter. Les groupes islamistes recrutent à tour de bras et se préparent à une guerre sans merci contre le président égyptien. Leur fureur s’accroît encore quand il se moque ouvertement des mollahs qui ont pris le pouvoir en Iran et invite son ami le shah à finir ses jours sur les rives du Nil. Bien que d’obédience sunnite, les islamistes égyptiens prennent fait et cause pour la révolution iranienne: les mollahs sont la preuve qu’il est possible de transformer un Etat moderne en une théocratie rigide. Ali Mohamed compte parmi les plus fervents partisans de la révolution iranienne. Il ne fait pas mystère de ses sympathies, et sa hiérarchie ne semble pas s’en émouvoir. Son don pour les langues lui vaut d’être souvent envoyé en mission hors des frontières. Dans un premier temps, il est chargé de la sécurité d’ambassades ou de postes diplomatiques égyptiens à l’étranger. Mais Ali Mohamed aime l’action et s’ennuie dans ce travail trop routinier. Reprenant du service actif, il participe à des opérations de commando. Les services secrets l’emploient à diverses missions clandestines contre la Libye du colonel Kadhafi, ennemi juré des Américains et donc de l’Egypte. Il est question d’actions héliportées, d’attaques de prisons, de fusillades et d’évasions de barbouzes égyptiens. Conscient que l’action n’a qu’un temps, Ali Mohamed, qui a de grandes ambitions, prépare sa reconversion en passant deux diplômes de psychologie à l’Université d’Alexandrie en 1980. Il se destine à l’encadrement et à l’entraînement des combattants. Un choix judicieux, dans un pays en pleine ébullition. Les temps sont durs pour «le Pharaon». Sadate a trop longtemps tergiversé avant de sévir envers les confréries musulmanes qui multiplient les provocations et les agressions contre les autres confessions. Depuis le mois de juin 1981, les groupes intégristes comme Al-Gama’a al-Islamiyya sont à l’origine d’une vague d’attentats et d’attaques sans précédent. Leur cible de prédilection: les chrétiens coptes. Au lieu de s’en prendre aux responsables des affrontements confessionnels, «le Pharaon» en profite, fin août 1981, pour museler une opposition politique plus populaire que jamais. Dans la nuit du 2 au 3 septembre, 1’500 personnes sont arrêtées. Parmi elles, des modérés comme Mohamed Hassanein Heikal, ancien confident de Nasser et membre de l’Union socialiste arabe, ou encore des cadres du Rassemblement de gauche de Khaled Mohieddine. Dans l’ombre, des militants islamistes complotent et s’organisent. Quand la police arrête un jeune homme qui transporte des armes, des tracts et les cartes d’état-major de toutes les divisions blindées de la capitale, le président prend enfin la mesure du danger. Le 5 septembre, dans un discours radiodiffusé de trois heures, Sadate déclare la guerre aux Frères musulmans. L’heure est grave. Le président est tendu. Il dérape, s’en prend à la presse étrangère et expulse deux journalistes, dont le correspondant du Monde, accusé de «manquer d’objectivité». Il menace de faire fusiller un journaliste américain jugé trop curieux et vitupère contre «ces imbéciles d’Occidentaux qui n’ont pas compris que je me bats pour eux […] contre nos ennemis les Frères musulmans qui doivent être traqués sans pitié à travers tout le pays».
Le dirigeant islamiste intégriste le plus écouté et révéré du moment est le cheikh Omar Abdel-Rahman. Celui qu'on surnomme le Cheikh aveugle a émis une fatwa (décret religieux) autorisant l’assassinat de tout homme politique qui aurait manqué à ses devoirs religieux. Sans même la nommer, il désigne d’un doigt rageur la cible à abattre: Anouar el-Sadate. Le danger est réel. Le Cheikh aveugle n’est pas de ceux qu’il faut ignorer. Ses fatwas sont des ordres. Et jusque dans l’armée égyptienne, il ne manque pas de fanatiques pour les exécuter. Le lieutenant-colonel Ali Mohamed et certains officiers de son unité vont régulièrement l’écouter prêcher le djihad dans les mosquées du Caire. A l’automne 1981, il est désigné pour suivre un stage au sein de l’école de formation des troupes d’élite la plus prestigieuse de la planète, Fort Bragg en Caroline du Nord. Il ne fait pourtant nullement mystère de ses sentiments sur les accords de Camp David et sur le président Anouar el-Sadate qu’il qualifie de traître à la cause arabe, et dont il clame haut et fort qu’il doit être éliminé toutes affaires cessantes. Des militaires américains l’entendent, mais ne saisissent pas qu’il faut prendre ses propos à la lettre. En Egypte, au sein de son unité, une cellule clandestine islamique dirigée par Abboud al-Zumar, ancien héros de la guerre du Kippour de 1973, secondé par l’un des officiers les plus charismatiques de l’armée égyptienne, Essam al-Qamari, il prépare déjà l’opération. Le lieutenant Khaled Ahmed Chawki el-Islambouli et ses hommes, chargés de l’exécuter, sont des extrémistes religieux convaincus de servir Allah en appliquant la fatwa du Cheikh aveugle. Ils n’attendent que le moment propice. Il se présente le 6 octobre 1981, quand el-Islambouli est choisi pour remplacer un officier de la 333e brigade d’artillerie lors du défilé militaire de commémoration de la «victoire d’octobre 1973» sur Israël. Anouar el-Sadate a toujours apprécié cette parade militaire annuelle qui lui rappelle son heure de gloire, celle qui lui a permis d’asseoir et de renforcer son régime. C’est aussi l’occasion de retrouver les officiers et les soldats de l’armée égyptienne, ses «fils», comme il aime à le croire. Ce défilé s’annonce cependant comme celui de tous les dangers; son vice-président, Hosni Moubarak, l’a exhorté de ne pas s’y rendre ou, au moins, d’y porter un gilet pare-balles… Hors de question. Sadate ne veut pas risquer de casser le tombé de son uniforme gris-bleu de maréchal fait sur mesure par son tailleur.
Comme à l’accoutumée, le président égyptien affiche un air déterminé. Debout au premier rang de la tribune, il est entouré des membres de son gouvernement, des officiers supérieurs de l’armée et de ses hôtes étrangers. Au passage des avions de combat Mirage, un camion de transport de troupes simule une panne et s’arrête devant la tribune présidentielle. Anouar el-Sadate s’avance un peu et salue ses hommes. Le lieutenant Khaled el-Islambouli descend du camion et se dirige vers le président. Son arme est chargée à balles réelles bien que, pour parer tout risque de révolte, une procédure de retrait des munitions avait été mise en place. Mais les officiers chargés de remplir les magasins des armes de cartouches à blanc ne sont pas là; ils sont... en pèlerinage à La Mecque. El-Islambouli interpelle le président: «Pharaon! Pharaon!» Puis il jette une grenade fumigène. C’est le début de l’assaut. Les conjurés se précipitent hors du camion en lançant des grenades, leurs fusils d’assaut crépitent. El-Islambouli et plusieurs assaillants tirent sur le président. Touché à la tempe gauche, à la poitrine, au cou, à la jambe et au bras, Sadate est déjà mort quand ses gardes ripostent et blessent deux des assaillants. Assis à la droite du raïs, le vice-président Hosni Moubarak s’en sort sans une égratignure. Le président est transporté par hélicoptère à l’hôpital militaire de Maadi où une dizaine de spécialistes tentent de le ramener à la vie. Les médecins annoncent officiellement son décès à 14 h 40. Comme cela avait été le cas pour Nasser, la radio et la télévision diffusent sans interruption les lancinants versets de mort du Coran. Le monde entier rend hommage au signataire de la paix de Camp David. Les Egyptiens auraient dû s’incliner devant la fin tragique du héros de la guerre d’octobre 1973. Il n’en est rien. Leur relative indifférence trahit la perte de prestige et de popularité du successeur de Gamal Abdel Nasser dont l’annonce du décès, en septembre 1970, avait provoqué de spectaculaires manifestations spontanées de chagrin populaire. Le peuple en larmes qui accompagnait le vaincu de la guerre de 1967 à sa tombe ne s’est pas déplacé pour le vainqueur de la guerre d’octobre 1973. Son enterrement se fait à la sauvette, à proximité de l’endroit où il est tombé, dans un quartier excentré et désert loin du centre grouillant de la capitale, avec pour seuls témoins une brochette de personnalités étrangères dont trois anciens présidents américains et le Premier ministre israélien, Menahem Begin. Dans la soirée du 6 octobre 1981, quelques heures à peine après la mort du «Pharaon», une révolte armée éclate dans la ville d’Assiout en Haute-Egypte. Les combats durent plusieurs jours et font plus d’une centaine de morts dans les seuls rangs des policiers et des soldats. Au Caire, les responsables politiques et militaires des confréries islamistes décident de passer à l’action à leur tour. Ils ont prévu d’attaquer militairement les officiels présents à l’enterrement de Sadate. Ils rassemblent bombes et armes, mais n’ont pas le temps d’agir. Tous les comploteurs, ou presque, sont arrêtés lors des rafles qui déciment les milieux intégristes au lendemain de l’assassinat du président. Les islamistes sont enfermés dans les geôles insalubres et redoutables de la prison de la citadelle du Caire. Ils sont battus et torturés. Les chefs dénoncent leurs complices restés en liberté. Bientôt presque toute l’organisation d’Al-Gama’a al-Islamiyya se retrouve embastillée. Sauf... Ali Mohamed qui rentre quelques mois plus tard des Etats-Unis alors que s’ouvre le procès de ses frères d’armes.
Les deux cheikhs (1982-1985)
Occupant une surface de 250 km2, Nasr City est le plus gros quartier du Caire. Non loin du mausolée où est enterré le président Sadate, le centre d’exposition de Nasr City a été spécialement aménagé pour juger ses meurtriers, dont le procès commence le 4 décembre 1982 dans un climat d’état de siège. La Haute Cour de sécurité de l’Etat préside dans une immense salle survoltée. Face aux juges, des dizaines de journalistes venus du monde entier, un bataillon d’avocats, des familles éplorées et, au fond, dans une énorme cage, sur des bancs, les 302 accusés qui prient, fredonnent des chants religieux ou interpellent leurs proches assis non loin. Tous les regards sont tournés vers un jeune homme assis au premier rang, le lieutenant Khaled el-Islambouli, chef du commando assassin. A sa droite se tient un petit homme rondouillard vêtu d’une tunique cléricale blanche, coiffé d’un bonnet rouge aux armes d’Al-Azhar, l’Université religieuse du Caire où il a fait son doctorat, le regard masqué par d’épaisses lunettes opaques. C’est le cheikh Omar Abdel-Rahman, la personnalité la plus en vue du Majlis el-Shura, le comité de direction de l’organisation clandestine islamiste Al-Gama’a al-Islamiyya. Les deux hommes ne cessent de se murmurer des choses à l’oreille. Le Cheikh aveugle a l’air grave et protecteur, un peu comme s’il préparait son disciple à son destin de martyr. Si les places dans la cage respectent un protocole, alors le Cheikh aveugle est le maître de céans. Il lui est reproché d’avoir émis la fatwa autorisant l’assassinat du président Sadate. Une fatwa décisive. Sans elle, les tueurs de Sadate seraient des apostats. Cela fait de lui aux yeux de la police l’instigateur du meurtre. Mais l’édit religieux ne mentionnait aucun nom, le cheikh se contentant d’autoriser l’exécution de dirigeants musulmans qui ont offensé Allah. Personne n’a été dupe, chacun a compris qu’il visait le président. Reste encore à le prouver. C’est ce à quoi l’accusation va s’employer lors d’une des premières audiences du procès. Un garde conduit le Cheikh aveugle par le bras jusqu’à la barre. Dans la salle règne un silence quasi religieux. Le public, les avocats, les accusés sont concentrés. L’interrogatoire va durer plus de douze heures.
— Est-il légal de répandre le sang d’un dirigeant qui ne se plie pas aux ordres de Dieu? lui demande un juge.
— Est-ce une question théorique? réplique le cheikh.
— Oui.
— Dans ce cas, en théorie, si on suit les Ecritures, il est légal de répandre le sang d’un dirigeant qui ne se plie pas aux préceptes d’Allah.
— Et Sadate? Qu’en était-il de Sadate? A-t-il franchi la ligne blanche? Méritait-il de mourir?
Le silence du cheikh tient lieu de réponse. Tout suggérer sans jamais rien dire. De l’ambiguïté comme système de défense. Le prédicateur est un maître du genre. Il ne désigne jamais ses cibles par leur nom, pas plus dans ses fatwas que devant le tribunal. Il est aveugle, mais point sot. Pour les enquêteurs, le Cheikh aveugle n’est pas le seul responsable de l’attentat contre Sadate. Ils pensent que les assassins ont agi de concert avec les deux organisations rivales qui se disputent le contrôle de la mouvance islamiste intégriste: Al-Gama’a al-Islamiyya du Cheikh aveugle et le Djihad islamique dont le principal responsable, le docteur Ayman al-Zawahiri, est assis non loin, dans la cage. Pour la justice égyptienne, ce dernier est l’accusé 113; personne ne se doute qu'il est appelé à devenir l’un des cerveaux des attaques du 11 septembre et le numéro un d’Al-Qaïda.
Ayman Mohammed Rabie al-Zawahiri est né le 19 juin 1951 dans une famille bourgeoise. Il a grandi dans la partie ouest de Maadi, coquette banlieue du Caire dont les villas début 1900 se dressent au milieu d’une explosion d’eucalyptus, de bougainvilliers et de jasmins. Les militaires et les fonctionnaires qui la peuplaient alors ont été remplacés par des familles juives, puis par des notables égyptiens après leur départ, au lendemain de la crise de Suez de 1956. La famille al-Zawahiri ne dépare pas avec ses faux airs de dynastie médicale. Le père d’Ayman est professeur de pharmacologie à l’Université Ain Shams. Son oncle, dermatologue réputé, est une sommité du traitement des maladies vénériennes. Côté maternel, Ayman n’est pas mal servi non plus. Son grand-père a été président de l’Université du Caire, fondateur de l’Université King Saoud de Riyad avant d’enseigner la littérature orientale à l’Université du Caire. Il a également été ambassadeur au Pakistan, en Arabie saoudite et au Yémen, tandis que son frère a été le fondateur et le premier secrétaire général de la Ligue arabe. Enfin, il ne faut pas négliger le poids de l’héritage religieux. Le grand-père paternel d’Ayman a été l’un des imams de la mosquée Al-Azhar. Son grand-oncle, recteur de l’Université Al-Azhar, au cœur du Caire, jouit d’un statut comparable à celui du pape dans la religion catholique. Mais c’est son oncle Mahfouz, patriarche du clan Azzam, qui a le plus d’influence sur le jeune Ayman. Mahfouz le rebelle, emprisonné à l’âge de quinze ans pour avoir conspiré contre le gouvernement. Mahfouz l’indomptable, arrêté une seconde fois après l’assassinat du Premier ministre égyptien Ahmed Maher Pacha par les Frères musulmans le 24 février 1945. Mahfouz qui, dans les années 1930, a eu pour professeur d’arabe le maître à penser de l’islamisme radical égyptien, Sayyid Qutb. Lequel, avant d’être pendu le 26 août 1966, avait confié ses dernières dispositions et ce qu’il avait de plus cher – son exemplaire du Coran – à son avocat qui n’était autre que son ancien élève: Mahfouz. A 15 ans, quelques mois après l’exécution de Qutb, al-Zawahiri participe à la naissance de l’organisation clandestine Al-Gama'a al-Islamiyya, qui œuvre dans l’ombre des Frères musulmans. Ses membres appartiennent aux meilleurs lycées du Maadi. Al-Zawahiri obtient son certificat de fin d’études secondaires en 1968, un an après l’humiliante défaite de la coalition arabe lors de la guerre des Six-Jours. Il rêve de restaurer le califat perdu depuis la fin de l’Empire ottoman et de faire de l’Egypte l'épicentre d’une nouvelle guerre sainte contre l’Occident. Il recrute; sa cellule passe de cinq à quatorze membres. Mais l’obstacle principal reste le régime égyptien. Al-Zawahiri s’habille encore à l’occidentale et évite tout prosélytisme. Sa famille ignore tout de ses activités politiques. Pour tout le monde, il est le docteur al-Zawahiri, diplômé de l’Université de médecine du Caire en 1974 et titulaire d’une maîtrise en chirurgie. Rares sont ceux qui savent qu’il est en train de réussir une OPA sur les plus intégristes cellules islamistes égyptiennes en fusionnant le groupe qu’il dirige avec quatre autres formations clandestines afin de former le Djihad islamique égyptien, d'inspiration plus radicale que les Frères musulmans. A sa sortie de l’université en 1974, le docteur fait son armée dans une base hors du Caire. Pendant trois ans, il officie en tant que chirurgien militaire. En raison de ses contacts, il est chargé de noyauter les troupes en y implantant des cellules clandestines. La police égyptienne accuse donc Ayman al-Zawahiri d’être l’un des cerveaux de l’assassinat du président Sadate.
Face aux caméras de la télévision égyptienne, le 4 décembre 1982, l’universitaire assume le rôle de porte-parole des détenus. Il se lève, se dirige vers les journalistes et, haussant le ton, s’exprime en anglais: «Nous voulons nous adresser au monde entier, dit-il. Qui sommes-nous? Pourquoi nous ont-ils amenés ici et que voulons-nous dire? A la première question, nous répondons que nous sommes des musulmans et croyons en notre religion. A la fois dans l’idéologie et dans la pratique. Nous faisons de notre mieux pour établir un Etat islamique et une société islamique.» Derrière lui, les autres détenus chantent en chœur: «Il n’est de Dieu qu’Allah.» «Nous ne regrettons pas ce que nous avons fait pour notre religion, poursuit al-Zawahiri. Nous nous sommes sacrifiés et nous sommes prêts à d’autres sacrifices.» «Il n’est de Dieu qu’Allah», reprend le chœur des détenus. «Nous sommes le vrai front islamique, la vraie opposition islamique contre le sionisme, le communisme et l’impérialisme. Dans les prisons égyptiennes, nous avons subi les pires des traitements», crie al-Zawahiri. Dans la cage, le tohu-bohu est à son comble. Les prisonniers enlèvent leurs chaussures, soulèvent leur tunique et exhibent des marques de torture. «Ils nous ont frappés, ils nous ont battus avec des câbles électriques, ils nous ont torturés à l’électricité. Ils se sont servis de chiens. Ils nous ont pendus, les mains dans le dos. Ils ont arrêté nos femmes, nos mères, nos pères, nos frères et nos fils.» Les caméras se concentrent sur un détenu borgne qui vient de s’évanouir avant de revenir sur al-Zawahiri qui énumère le nom de détenus morts sous la torture. «Où est la démocratie? hurle-t-il. Où est la justice? Nous n’oublierons jamais.»
Durant les trois années que dure le procès des assassins de Sadate, Ayman al-Zawahiri assoit son autorité sur le mouvement islamique égyptien. Il en profite pour nouer de précieux contacts, notamment avec l’un des accusés les plus célèbres, le Cheikh aveugle. La première rencontre entre les deux hommes ne se passe pourtant pas bien. Ils ne sont d’accord que sur un objectif: renverser le gouvernement égyptien. Le cheikh pense galvaniser les masses musulmanes par ses prêches et les amener au djihad. Homme de l’ombre, al-Zawahiri préfère les complots et les cellules clandestines. La stratégie de l’ambiguïté du Cheikh aveugle s’est pourtant avérée gagnante puisque la Cour finit par l’acquitter. Al-Zawahiri est quant à lui condamné à trois ans de prison pour trafic d’armes, peine qu’il a fini de purger à l’issue du procès. Les deux hommes sont libres. Bientôt, ces deux fortes personnalités vont oeuvrer au sein d’Al-Qaïda en Afghanistan et aux Etats-Unis. Leurs hommes combattront côte à côte dans les passes afghanes face à l’Armée rouge et se retrouveront dans des cellules clandestines à Brooklyn ou en Arizona, avec pour objectif de mettre les Etats-Unis à feu et à sang. Al-Zawahiri reprend ses activités sous l’étroite surveillance des Services spéciaux égyptiens. Il se lance dans la rédaction de son premier ouvrage, Le Livre noir de la torture des musulmans, dans lequel il témoigne de sa propre expérience. Discrètement, il rétablit le contact avec ses hommes.
Parmi eux, un lieutenant-colonel, grand, musclé, solide, les cheveux courts, le regard froid: Ali Mohamed. Rentré des Etats-Unis peu après l’assassinat du président Sadate, celui-ci a la joie au cœur, son rêve le plus fou s'est réalisé. Le djihad au ventre, il ne cache ni ses sentiments ni ses convictions, il proclame que la mort du «Pharaon» est une bonne chose. Or, le président Hosni Moubarak a entrepris de purger l’armée égyptienne de ses éléments les plus intégristes. Ali Mohamed figure parmi les premiers bannis. L’organisation perd l’un de ses derniers infiltrés. Mais Ayman al-Zawahiri a déjà une autre mission pour lui. Déterminé à radicaliser les actions de son mouvement, il envisage de détourner ou d’attaquer des avions de ligne. A sa demande, Ali Mohamed mène une étude de faisabilité en surveillant l’aéroport international du Caire. Il localise les clôtures, trouve les points faibles, planifie l’infiltration de commandos armés, érige des plans d’assaut. Cela ne suffit pas. Quelques mois plus tard, l’ancien gradé se fait embaucher par la compagnie aérienne Egyptair comme conseiller chargé de la… sécurité. Le loup est dans la bergerie. Ali Mohamed travaille pendant dix-huit mois pour Egyptair, le temps de procéder aux premiers repérages et de dresser une première liste d’objectifs, une expérience précieuse qui lui servira à mettre au point le modus operandi des attaques du 11 septembre. Mais al-Zawahiri n’a pas le temps de mettre son plan à exécution. Serré d’un peu trop près par les Services secrets égyptiens, il est contraint de se réfugier en Arabie saoudite. L’heure est venue pour lui de redéployer son organisation. Al-Zawahiri a de grands projets pour Ali Mohamed qui, au cours de sa carrière, a établi de précieux liens avec des militaires américains et des officiers de la CIA en poste au Caire. Pourquoi ne pas en profiter pour confier à l’ancien lieutenant-colonel une tâche à long terme: infiltrer le système de renseignement américain. Une mission autrement plus ardue que de pénétrer la sécurité d’Egyptair. Un brusque regain de tension au Proche-Orient va l’aider.