Archéologie pop à New York

© John Short
Le Studio 54, le mythique club new-yorkais.

Au cours du XXᵉ siècle, Manhattan a été le berceau d’avant-gardes artistiques décisives. Mais que sont devenus ces lieux qui les ont vues s’inventer? De cette question est né un livre, Unforgotten New York. De Burroughs à Warhol, il dresse la cartographie inédite d’un New York méconnu.

John n’est pas pour qu’on sonne comme ça, chez des inconnus, sans s’être annoncé, sans même savoir sur qui on va tomber. Le savoir-vivre, il est vrai, commande qu’à cette heure on n’importune pas les gens. Pas plus ici à Manhattan qu’à Genève ou à Camden. Pour cette prudence dont il fait preuve en cette matinée où le Lower East Side semble à peine se réveiller, je l’aime déjà bien, John Short.

Seulement, devant moi, l’interphone du 222 Bowery offre ses buzzers. J’ai envie d’appuyer. Ça me démange. Voir justement ce que cela donnerait de débarquer à l’improviste là où vécut William Burroughs et demander à visiter son «Bunker»: un sous-sol, ignoré de ceux qui n’en pincent pas pour le «Vieux Bill», mais qui, durant une grosse décennie, fut l’antre où l’auteur du Festin nu créa, baisa et reçut les membres du gotha pop international – de Susan Sontag à Andy Warhol ou Mick Jagger.

Sur le seuil du 222, un couple de clochards recroquevillés sous un monceau de cartons fanés. L’un d’eux nous observe, l’œil vide, comme déjà mort. John, poli, son sac photo plaqué contre lui, risque un bonjour. Pas de réponse. Moi, je fixe les buzzers épuisés, encastrés à même la grille d’une brown house qui, dans les années 1930, était encore une YMCA (Young Men’s Christian Association, soit UCJG, Union Chrétienne de Jeunes Gens). La première d’Amérique.

Le Bowery était alors cette artère populaire célèbre tant pour sa concentration de distilleries et de brasseries piteuses, que pour la densité de ses communautés juives et allemandes survivant dans une poche urbaine miséreuse. Un train aérien traversait cette avenue sans grâce; son pont jetait sur les immeubles alentour une ombre permanente, grasse, propice aux rudesses qui collèrent longtemps à la réputation de ces lieux. A Trip to Chinatown, une comédie musicale créée à Broadway en 1891 la célébrait, résumant même assez bien la chose: «The Bow’ry, the Bow’ry!
 / They say such things, 
/ And they do strange things
 / On the Bow’ry! / The Bow’ry!
 / I’ll never go there anymore!
»

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