Des chaînes à en perdre la tête

© Rudi Waisnawa
La cage dans laquelle est enfermé Made S.

En Indonésie, les «fous» sont les damnés de la terre. Des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants sont soumis à la terrible loi du «pasung». Ils vivent enchaînés à des châlits, enfermés dans des cages, cloîtrés dans des chambres obscures, emmurés vivants. A Bali, une femme a entrepris de briser leurs chaînes. Voici son histoire.

Dans le petit hameau de Desa Timuhun, dans la préfecture de Karangasem à l’ouest de Bali, loin des plages, des spas et des salons de massage où viennent s’entasser chaque année des millions de touristes, vivait un petit marchand de glace appelé Nyoman. Il occupait une petite bicoque de parpaing dans un paysage idyllique. Même s’il était un peu différent des autres habitants, il était heureux. Inquiet, mais heureux. Par un triste jour, les habitants de Desa Timuhun surprennent un voleur sur le point de commettre un larcin. L’homme s’enfuit. Les villageois se rassemblent, et la chasse commence. Pour son malheur, Nyoman, qui était hors du hameau au moment des faits, rentre justement chez lui. En voyant la foule, il prend peur et s’enfuit à toutes jambes.

Plus tard, les acteurs du drame diront ne pas l’avoir reconnu. Dans sa fuite, il tombe dans une rivière, il fait sombre. Les premiers arrivants le sortent de l’eau, les seconds commencent à lui hurler dessus, les coups pleuvent. La foule gronde et se fait menaçante, jusqu’à ce qu’enfin quelqu’un le reconnaisse:
– C’est Nyoman, on s’est trompé.

C’était au début de l’an 2000. A compter de ce funeste épisode, Nyoman n’a plus jamais été le même. Ses proches le voient littéralement battre la campagne, déambulant le long des chemins, au milieu des rizières ou des forêts, se parlant à lui-même, se tordant les doigts à se les briser. Par la suite, il sera diagnostiqué comme souffrant de stress post-traumatique, un type de trouble anxieux sévère, dont on peut guérir. Sa famille l’ignore et décide de faire ce qui se fait à Bali et dans toute l’Indonésie dans ce genre de situation: elle l’entrave.

Nyoman va ainsi vivre, cinq ans durant, le pied gauche enserré dans un lourd joug de bois qui limite ses déplacements. Il ne quitte pratiquement plus le tas d’ordures et d’excréments où il niche. La psychose s’installe. Il n’arrive plus à uriner par les canaux naturels. Un rapport médical indiquera plus tard qu’à force de se tordre les parties génitales, il est parvenu à créer une fistule par laquelle évacuer son urine. Finalement, il perd le sommeil et n’attend plus que de mourir…

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