Ce que nous en savons, à la lecture des communiqués de presse dûment sélectionnés pour nous abuser, ne suffit pas à ma compréhension de l’échiquier sur lequel tous les pays riverains de la mer Rouge avancent leurs pions. Tout particulièrement l’Arabie saoudite dont je distingue à peine le contour de la côte, tant elle paraît fugitive à mes yeux. Insaisissable comme le sable évanescent qui poudroie sur les dunes. Sur le bateau, le temps s’écoule dans un monde à part où la conversation roule sur l’énigmatique prince régnant Mohammed Ben Salmane. De rumeurs en spéculations, les opinions s’affrontent sur sa politique d’ouverture que contredit une tradition autoritaire. Tant d’incertitudes laissent l’observateur que je suis dubitatif. Car s’il est avéré que le royaume saoudien élabore une stratégie à l’horizon du siècle, pouvons-nous affirmer que la politique conduite par l’Occident ne relève que de l’incertitude et du tâtonnement? Nous avons pris la mauvaise habitude de penser que la loyauté politique est le talon d’Achille de la démocratie. Or il n’est pas dit que nous ayons définitivement perdu à ce jeu de dupes. Se remettre à croire aux valeurs que nous incarnons sans perdre la face ni baisser la garde, permettrait de parer au défaitisme et aux compromissions qui nous isolent du pragmatisme diplomatique. Alors, pourquoi ne pas miser sur un avenir qui consisterait à jouer pour gagner, sans se compromettre… Avec un coup d’avance. Nous taillons une route parallèle à la côte à près de vingt nœuds. Sur le pont, les discussions s’enflamment comme des brèves de comptoir. Les idées reçues se répandent et les certitudes s’installent.
De tout temps, la mer Rouge fut le tĂ©moin de guerres ouvertes et d’attentats, d’une dĂ©stabilisation rĂ©gionale qui continue de porter atteinte Ă la sĂ©curitĂ© de la navigation. Cette voie maritime historique extrĂŞmement frĂ©quentĂ©e en a subi de lourdes consĂ©quences: en vies humaines comme en pertes financières, en armistices sans lendemain et en espĂ©rances de paix avortĂ©es. Les deux guerres du Golfe ont marquĂ© la mĂ©moire des habituĂ©s de la ligne, qui se souviennent des prĂ©cautions que les navires Ă©taient obligĂ©s de prendre pour Ă©viter les mines flottantes qui dĂ©rivaient ici, dans une mer aux apparences indolentes. Tout autour de nous reposent corps et biens d’innombrables Ă©paves. Cette rĂ©gion fertile en pĂ©ripĂ©ties ne laisse personne indiffĂ©rent.Â