Le vent du désert souffle sur la mer (6/8)

© DR
Bab-el-Mandeb, la porte de la mer Rouge, est le détroit le plus dangereux du monde (carte en relief exagérée du sud de la péninsule Arabique et des zones africaines environnantes).

Au large de Port-Soudan, c’est l’Arabie secrète, l’alliée vénéneuse et fantasmée de l’Occident. Nous naviguons trop loin de la côte pour l’apercevoir, mais sa réputation laisse imaginer la géopolitique des princes du désert.

Ce que nous en savons, à la lecture des communiqués de presse dûment sélectionnés pour nous abuser, ne suffit pas à ma compréhension de l’échiquier sur lequel tous les pays riverains de la mer Rouge avancent leurs pions. Tout particulièrement l’Arabie saoudite dont je distingue à peine le contour de la côte, tant elle paraît fugitive à mes yeux. Insaisissable comme le sable évanescent qui poudroie sur les dunes. Sur le bateau, le temps s’écoule dans un monde à part où la conversation roule sur l’énigmatique prince régnant Mohammed Ben Salmane. De rumeurs en spéculations, les opinions s’affrontent sur sa politique d’ouverture que contredit une tradition autoritaire. Tant d’incertitudes laissent l’observateur que je suis dubitatif. Car s’il est avéré que le royaume saoudien élabore une stratégie à l’horizon du siècle, pouvons-nous affirmer que la politique conduite par l’Occident ne relève que de l’incertitude et du tâtonnement? Nous avons pris la mauvaise habitude de penser que la loyauté politique est le talon d’Achille de la démocratie. Or il n’est pas dit que nous ayons définitivement perdu à ce jeu de dupes. Se remettre à croire aux valeurs que nous incarnons sans perdre la face ni baisser la garde, permettrait de parer au défaitisme et aux compromissions qui nous isolent du pragmatisme diplomatique. Alors, pourquoi ne pas miser sur un avenir qui consisterait à jouer pour gagner, sans se compromettre… Avec un coup d’avance. Nous taillons une route parallèle à la côte à près de vingt nœuds. Sur le pont, les discussions s’enflamment comme des brèves de comptoir. Les idées reçues se répandent et les certitudes s’installent.

De tout temps, la mer Rouge fut le témoin de guerres ouvertes et d’attentats, d’une déstabilisation régionale qui continue de porter atteinte à la sécurité de la navigation. Cette voie maritime historique extrêmement fréquentée en a subi de lourdes conséquences: en vies humaines comme en pertes financières, en armistices sans lendemain et en espérances de paix avortées. Les deux guerres du Golfe ont marqué la mémoire des habitués de la ligne, qui se souviennent des précautions que les navires étaient obligés de prendre pour éviter les mines flottantes qui dérivaient ici, dans une mer aux apparences indolentes. Tout autour de nous reposent corps et biens d’innombrables épaves. Cette région fertile en péripéties ne laisse personne indifférent. 

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