Black-out sur le navire (8/8)

© Clotxa produccions / Flickr
Centre-ville de Dubai de nuit.

Dans les zones où sévit la piraterie, la prévention constitue la première règle de prudence. A condition qu’à tous les stades du processus de préparation correspondent une interprétation, puis une décision que le commandant se doit de prendre en fonction de l’urgence et de l’opportunité de la situation.

Si le bateau est attaqué par un groupe d’indigènes munis d’arcs et de flèches, l’équipage n’agira pas comme s’il repère une vedette rapide montée par un commando armé de bazookas et de kalachnikovs. Tous les scénarios existent et se sont présentés. «La connaissance de la zone et l’évaluation de l’attaque pousseront à prendre des décisions prioritaires pour la sécurisation du navire, de l’équipage et de ses éventuels passagers», souligne le capitaine Roger Villar dans une étude de 1980, intitulée Piracy today: Robbery and Violence at Sea. La surveillance attentive et permanente de la mer est un moyen de prévention qui a fait ses preuves, tout comme l’extinction des feux de pont la nuit. En outre, il est préconisé de faire connaître sa route aux autorités maritimes et d’être informé de la présence des autres bateaux sur zone afin d’identifier toute apparition suspecte. L’autre précaution majeure consiste à préparer le navire à toute éventualité: la prévention réside dans la surveillance des parties sensibles constituées par la poupe et le pont principal. Leur protection est primordiale, car c’est de là que les pirates peuvent accéder aux coursives qu’il est recommandé de barricader pour ralentir leur progression. Des projecteurs doivent être orientés sur ces zones critiques, car de nuit les pirates peuvent aisément s’y cacher. La passerelle de commandement doit être spécialement protégée, pour que l’équipage puisse venir s’y réfugier, organiser la résistance et prévenir les autorités maritimes. Les lances à incendie que l’on disposera le long du bastingage sont particulièrement dissuasives pour empêcher l’abordage, qui se fait au moyen d’échelles appliquées contre la coque. Leur mise en action peut au mieux rejeter les agresseurs à la mer, à tout le moins retarder la prise du navire. Il existe aujourd’hui des appareils acoustiques appelés «canons à son», qui diffusent des tonalités stridentes difficilement soutenables pour l’oreille humaine. Certaines polices en font usage lors de manifestations urbaines et leur utilisation contre les pirates est légale. J’ai assisté à leur installation sur chaque bord de notre navire, la nuit précédant notre sortie du détroit de Bab-el-Mandeb. Diverses autres mesures dépendent de la taille du bateau. Certains plaisanciers se munissent d’armes d’autodéfense, d’autres de fusils de chasse. Mais ces moyens sont souvent d’une dissuasion aléatoire et peuvent provoquer des réactions inattendues de la part des assaillants, poussés dans leurs derniers retranchements. Car si tous les pirates ne sont pas pourvus d’intentions criminelles, ils n’ont souvent rien à perdre et leurs réactions peuvent être imprévisibles. En concluant son traité, l’ancien officier de la marine marchande britannique souligne que nous vivons une réplique en miniature de ce qu’était la grande piraterie du passé: «Les déprédations maritimes sont une incidence naturelle de l’évolution de notre monde», résume-t-il avec un scepticisme désabusé.

La lutte contre la piraterie se double d’une question juridique. «Si cette menace était jusqu’ici considérée comme un problème nécessitant une action au niveau régional, peut-on lire dans un rapport général de l’OTAN daté de 2009, la dégradation de la situation demande que de nouvelles mesures soient prises au niveau international pour lutter contre ce fléau, notamment par des moyens militaires.» Arrêter les pirates pour les traduire devant les tribunaux constitue en effet l’une des difficultés majeures de la lutte contre les déprédations maritimes presque partout dans le monde, car une attaque n’est considérée comme un acte de piraterie que s’il a lieu en haute mer. Or il est rare que cette situation se produise, pour des raisons pratiques et de logistique. En revanche, lorsque l’agression se déroule dans un port ou dans les eaux territoriales, il ne s’agit plus, au terme du droit maritime, que d’un vol à main armée relevant du régime juridique de l’Etat concerné. La multiplication des agressions qui ont désormais lieu dans le tiers-monde brouille la distinction entre ces deux cas de figure, étant donné que le plus grand nombre d’entre elles sont perpétrées dans les eaux nationales et répondent d’une législation inadaptée aux circonstances, rarement dissuasive. Le Bureau maritime international tente de faire accepter que les actes de piraterie et de vol à main armée se confondent et que soit requalifié l’acte de déprédation comme «une agression perpétrée par la force contre un navire avec l’intention de commettre un vol ou tout autre crime». Cette redéfinition de la piraterie actualiserait une loi définie par une Convention des Nations Unies vieille de près de quarante ans. En Suisse, le département fédéral des Affaires étrangères déconseille à tous les plaisanciers de naviguer dans le golfe d’Aden, dans les zones maritimes situées au large de la Somalie et dans toute la partie occidentale de l’océan Indien, soit au nord du 15e parallèle sud, ainsi qu’en dehors des douze milles nautiques qui constituent les eaux territoriales. Il explique que si les bateaux de pêche, les navires marchands et les navires de croisière constituent des proies potentielles pour les pirates, les plaisanciers sont encore plus vulnérables et faciles à rançonner. «Depuis 2010, précise le site officiel de la Confédération, de nombreux bateaux ont été saisis et leur équipage kidnappé.» En admettant que l’adoption des mesures préventives énumérées notamment par le capitaine Villar a permis de réduire le nombre de navires saisis, les prises d’otages n’en restent pas moins un objectif pour les pirates, «dont les méthodes deviennent de plus en plus brutales».

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