Trouver le numéro 12 de la rue du Presbytère à Lausanne n’est pas chose aisée. Aucun panneau pour orienter le passant. A peine une enseigne sur le fronton d’un bâtiment sans prétention, situé au fond d’une petite cour en pente engorgée de voitures, de motos et de vélos, vous confirme-t-elle que vous êtes bien arrivés. Pourtant, nous sommes bien dans l’antre de l’un des fleurons mondiaux de la danse. Ces locaux, que se partagent aujourd’hui la quarantaine de danseurs de la compagnie du Béjart Ballet Lausanne (BBL) et la quarantaine d’élèves de l’Ecole de formation Rudra, avaient été conçus en 1987 pour ne pas durer… Quand il pleut, les coursives sont détrempées, nous a-t-on confié. «Quatre studios, ce n’est pas assez, surtout en période de répétitions», regrette Gil Roman, directeur artistique du BBL.
Pas de quoi entamer cependant la joie de vivre de cette fourmilière de jeunes artistes qui rient, se prennent en photo avec leur smartphone, discutent dans leur langue respective – on compte une vingtaine de nationalités différentes. Soudain, quelques notes de piano s’élèvent au loin, et les couloirs se vident. C’est l’heure de la classe, le cours quotidien de danse classique, échauffement indispensable prodigué par Azari Plissetski, frère de l’époustouflante prima ballerina assoluta du Bolchoï Maïa Plissetskaïa. Le même qui a auditionné Gil Roman en 1979 pour intégrer les Ballets du XXe siècle.
Quand il nous accueille dans son bureau, après la classe qu’il a lui-même suivie, Gil Roman affiche le sourire. A quelques jours de la première de quatre représentations au Théâtre de Beaulieu à Lausanne à partir du 21 mai 2014, il se dit serein. «Les répétitions se passent bien, nous avons bien travaillés», assure celui qui a pris la direction du BBL après la mort de son créateur, en 2007. Pourtant, les tensions sont palpables: comment le public accueillera-t-il les ballets, comment faire ressurgir l’étincelle qui sublime les danseurs, pour que la chorégraphie passe d’éblouissante à magnétique… Et puis, il y a les inquiétudes techniques. Sans théâtre en résidence, impossible de tester les éclairages à l’avance; difficile pour les danseurs d’ajuster leur placement sur la scène. Quatre petits jours seulement, en comptant la générale, pour tout mettre au point avant la première. Un sacré défi, surtout lorsqu’il s’agit de présenter au public une nouvelle création comme Kyôdaï.