Le conseil n’est pas à prendre à la légère, car Belize City est un nid de guêpes. Bien que sa population n’excède pas 68’000 habitants, la ville compte plus de mille membres de gangs. Leur rivalité, exacerbée par le trafic de drogue, creuse chaque année des dizaines de tombes dans le cimetière de Lord’s Ridge. Autant de meurtres qui viennent gonfler les macabres statistiques faisant du Belize, avec un taux de 40 homicides pour 100’000 habitants, l’un des dix pays les plus dangereux du monde selon la liste établie en 2015 par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime. Triste record, pour une nation grande comme la Sicile, qui ne compte que 342’000 habitants.
C’est avec ces nombres en tête et un nom en poche que je passe quelques jours plus tard le seuil d’une petite épicerie du nord de Belize City. Benjamin E., un jeune retraité des forces de l’ordre, m’y a donné rendez-vous. «Un flic honnête», selon la gérante mennonite du magasin, qui en parle comme d’une espèce rare. Pendant plus de trente ans, l’officier a traîné sa carcasse de basketteur dans les rues de la ville, assistant impuissant à l’essor des gangs locaux. «Ils sont nés à la fin des années 1980, se remémore-t-il. Au départ, leur modèle, c’était les Crips et les Bloods de Los Angeles. Mais depuis, les choses ont évolué.» Désormais, c’est du côté des gangs jamaïcains – les Gaza et les Gully – qu’ils puisent leur inspiration. Le shotta, ce mode de vie fait de meurtres et de trafic de stupéfiants, répandu à Kingston, imprègne désormais le quotidien des dizaines d’organisations criminelles de l’ancienne capitale.