L’historien portugais Francisco Bethencourt occupe la chaire Charles Boxer au King’s College de Londres. Ancien directeur de la Bibliothèque nationale du Portugal et du centre culturel Gulbenkian, à Paris, il est l’auteur, entre autres, de L’Inquisition à l’époque moderne. Espagne, Portugal, Italie, XVe-XIXe siècle (1995) et de Racisme et relations ethniques dans le monde lusophone (2007). Il a coordonné une monumentale Histoire de l’expansion portugaise en cinq tomes (1999), qui fait autorité sur le sujet.
Qu’est-ce que le racisme, et que faut-il entendre par «race»?
Le racisme est un préjugé en rapport avec la descendance ethnique et associé à une action discriminatoire. Il attribue un ensemble de traits physiques et/ou mentaux, réels ou imaginaires, à des groupes ethniques particuliers, accréditant l’idée que ces caractéristiques sont transmises de génération en génération. Les groupes ethniques sont considérés comme inférieurs ou divergents par rapport à la norme représentée par le groupe de référence, ce qui sert à justifier une discrimination ou une ségrégation.
Le concept de race est instable. Au départ, il a été utilisé dans l’Europe du Moyen Age pour désigner les lignages nobles dans le nord de l’Italie et en France. On l’a ensuite employé aux XIVe, XVe et XVIe siècles dans la péninsule Ibérique pour désigner les personnes d’origine juive ou musulmane qui avaient été converties de force au catholicisme et dont le sang était jugé «impur». On l’a ensuite appliqué aux esclaves africains. Au XVIIIe siècle, il a été utilisé pour distinguer les types humains selon les continents. Finalement, au XIXe, le terme s’identifie à celui de nation, supposément fondée sur la descendance et le sang commun.
Pourquoi faire une histoire globale du racisme?
Il me semblait impossible de comprendre le phénomène en l’abordant sur le court terme. Mon hypothèse de départ était que le racisme a été le résultat de l’expansion européenne, tournant dans la façon dont les Européens ont élaboré leurs relations avec les autres peuples. C’est pour cela que j’ai commencé mon histoire par les Croisades. Elles ont marqué la première vague d’expansion des chrétiens latins vers le Moyen-Orient entre la fin du XIe et la fin du XIIIe siècle.