Bourdon Bourdon
William Bourdon est l’avocat de nombreux lanceurs d’alerte.© Rasmus Mogensen

«L’alerte est une forme d’insurrection intime»

Depuis plus de vingt ans, William Bourdon œuvre «toujours du mauvais côté de la barrière». L’avocat français défend les torturés de Guantanamo, les victimes de la finance mondialisée, les travailleurs exploités par les multinationales ou les lanceurs d’alerte Antoine Deltour (LuxLeaks), Edward Snowden ou Hervé Falciani (ex-HSBC).

Auteur d’un Petit manuel de désobéissance citoyenne (Jean-Claude Lattès, 2014), William Bourdon, défenseur passionné des droits de l’homme en lutte contre les «biens mal acquis», étend aujourd’hui son combat au continent africain où il a lancé une plateforme consacrée à la protection des lanceurs d’alerte. Interview.

Comment comprendre l’émergence du phénomène des lanceurs d’alerte dans nos sociétés?
Ce mouvement naît de la prise de conscience générale que des risques multiples, visibles et invisibles, pèsent sur la planète et du sentiment d’impuissance ou de défaillance, voire du comportement fautif, des grands acteurs publics et privés. Il y a une conviction de plus en plus partagée par les citoyens du monde que ceux qui ont pour mandat de protéger les intérêts publics, ou qui sont élus pour cela, jouent les Cassandres sur l’état de la planète, et, en même temps, ne font pas ce qu’il faut. Cette contradiction a mutualisé un sentiment de coresponsabilité qui se mondialise. Dans cette constellation, il y a des citoyens très ordinaires qui, pour des raisons complexes et multiples, deviennent parfois des citoyens extraordinaires, capables de rebattre toutes les cartes de leur existence – sociale, amicale, professionnelle – parfois au risque de leur vie, notamment en Afrique. Ils se sentent un devoir de porter à la connaissance du public de très graves atteintes à l’intérêt général, en mesurant parfaitement les risques que de telles révélations comportent. Que ce soit dans l’atteinte à l’intégrité de l’Etat, dans le domaine de la responsabilité sociale ou environnementale, de la corruption ou de la santé publique. En Europe par exemple, quatre grands scandales financiers sur cinq ont été révélés parce que des gens de l’intérieur ont été tellement scandalisés par ce qu’ils ont vu ou par ce qu’on leur a demandé de faire, qu’ils ont franchi le pas de l’alerte. Au nom du seul intérêt général, certains ont pris des risques considérables: mort professionnelle, persécution au sein de l’entreprise, criminalisation… La condamnation prononcée contre Antoine Deltour, artisan des LuxLeaks, incarnation même du lanceur d’alerte, en est un exemple. De même, si nous avons obtenu gain de cause devant les prud'hommes face à la banque suisse UBS pour Stéphanie Gibaud, cela ne compensera jamais les épreuves subies.

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