En novembre 2015, tout près des plages de Hawaï, la dernière version d’une fusée militaire datant du début des années 1960, baptisée Super Strypi, effectue son vol inaugural. Dans un premier temps, les opérations se déroulent normalement. La fusée décolle, et tout en s’éloignant des bancs de sable blanc se met à tournoyer, assurant sa stabilité. Super Strypi semble promise à sa mise en orbite, planifiée à 420 kilomètres au-dessus de la planète. Mais voilà qu’une minute après le décollage survient un problème – le département de la Défense n’a pas souhaité en communiquer les détails – et Super Strypi revient se crasher sur Terre, s’abîmant dans le Pacifique. Un lancement de fusée avorté n’est pas en soi quelque chose de rare. Mais ce vaisseau-là transportait une curieuse cargaison: des restes humains, empaquetés dans des cubes métalliques. L’espoir placé dans la fusée était la mise en orbite d’urnes spatiales, autorisant les familles endeuillées à observer leurs proches dans le ciel nocturne, à la manière d’une pratique rituelle futuriste. En oui, on peut désormais payer pour envoyer en orbite autour de la Terre les reliques d’un être cher. Ou sur la Lune. Voire même au fin fond de la galaxie. Des entreprises comme SpaceX (fondée par Elon Musk), Virgin Galactic (Richard Branson) ou Blue Origin (Jeff Bezos) font les gros titres en promettant de rendre l’espace accessible à tous via des vols commerciaux, ouvrant la voie aux expérimentations interstellaires pour non-professionnels, mais aussi à de nouveaux systèmes de communication et au voyage sur Mars.
Si n’importe qui pouvait déjà suivre les déplacements d’un satellite à partir d’un simple ordinateur portable, la nouvelle ère spatiale a fait émerger un nouveau marché de niche: celui des produits «spatio-portés» pour l’individu lambda, comme le whisky spatio-vieilli… et l’enterrement spatial. Les restes humains de quelques illuminés, comme ceux du prêcheur psychédélique Timothy Leary ou de Gene Roddenberry, le créateur de Star Trek, ont déjà été expédiés au firmament. Force est de constater que le prix d’un enterrement traditionnel a tellement augmenté que sa version astrale est devenue compétitive. J’ai exploré ce qu’il en coûte d’organiser le retour d’un proche à son état de poussière d’étoile, ainsi que le réseau des acteurs impliqués dans ce business et ses principales tendances. «Réunir deux des industries les plus conservatrices de la planète, l’aérospatiale et les pompes funèbres, est un véritable défi», assure Charles Chafer, directeur du pionnier des enterrements spatiaux Celestis, active depuis 1994 dans le secteur avec une offre relativement onéreuse et déjà de nombreux lancements à son actif, incluant des mises en orbite autour de la Terre ou de la Lune, pour une moyenne de 5'000 à 10'000 dollars.