Donald et les tours de passe-passe (1/4)

© DR
Façade de la Trump International Hotel and Tower de Chicago, Illinois. 

De Panama à New York, en passant par Istanbul, Bombay, Bakou et Manille, les monuments à la gloire de Donald Trump fonctionnent comme des aimants à mafieux et des pièges à fric.

Comme pour l’empire de Charles Quint au XVIe siècle ou celui de la reine Victoria au XIXe, le soleil ne se couche jamais sur l’empire des Tours Trump. De Panama à New York, en passant par Istanbul, Bombay, Bakou et Manille, les phalliques monuments à la gloire de Donald fonctionnent comme des aimants à mafieux et des pièges à fric, le premier élément expliquant le second. La première fois qu’une tour Trump est partie à l’assaut d’un ciel autre que celui des Etats-Unis, ce fut à Panama. Il s’agissait, une fois de plus, d’un rêve fou, celui d’un industriel colombien d'origine libanaise, Roger Khafif. Son business c’est l’import-export de vêtements mais, comme Donald, il est fasciné par l’idée de bâtir sa tour. En 2005, Panama City connait un boom immobilier. En dépit de ce contexte propice, son projet apparait démesuré à Khafif, hors de ses capacités. Pour réaliser l’opération, il a besoin d’un véritable promoteur. Il pense à Trump. Donald n’a-t-il pas un lien, certes ténu, avec Panama? Il y est venu, en 2003, à l’occasion de l’élection de Miss Univers? Khafif s’accroche à cet espoir et demande à un ami commun de lui organiser une rencontre à New York.
- Le type a un gros ego, il aime les jolies choses et, boum, le Panama est en train d'exploser. Alors, baby, s'il y a un bon moment, c'est maintenant, lui explique-t-il.

Le rendez-vous obtenu, Khafif, intimidé, franchi la porte du bureau de son grand homme comme on entre dans le saint des saints. Tout, dans ce projet de tour, est improbable. Pourquoi Donald s’associerait-t-il avec un Colombien d’origine libanaise pour sa première incursion à l’étranger? «Si Khafif semblait un partenaire peu crédible, le Panama paraissait un endroit bizarre pour un projet qui allait devenir une sorte de modèle pour les accords de licence internationaux de Trump, écrit ProPublica. Le pays était plus connu comme un rouage du commerce de la drogue en Amérique latine que comme une destination touristique. C'était un endroit où les profits illégaux pouvaient être transformés en argent liquide utilisable. Le blanchiment d'argent a contribué à alimenter la prolifération des gratte-ciels qui ont donné à la ville de Panama sa silhouette élégante et ultramoderne.» Donald se montre intéressé. «C’est fan-tas-tique», conclut-il après avoir écouté son visiteur. Il ne voit dans ce projet qu’un seul problème: il a horreur de quitter les Etats-Unis et déteste prendre l’avion. Khafif blêmit. Il interprète le propos comme une fin de non-recevoir.Le lendemain son téléphone sonne.
- J'entends une voix qui ressemble à celle de Trump, explique-t-il à ProPublica, mais j’ai pensé que c'était un ami qui me faisait une blague. Deux minutes plus tard, j'ai réalisé à qui je parlais et j'ai dû m'excuser.
- J’adore votre projet. Je vous envoie Ivanka, lui dit Donald.

Dépêcher Ivanka sur place trahit l’importance du dossier. Ivanka, sa fille et celle de sa première épouse Ivana. Ivanka, la prunelle de ses yeux. Ivanka, la femme qu’il aurait rêvé courtiser si elle n’avait pas été sa fille. Lorsqu’elle débarque à Panama, en 2006, Ivanka a tout juste 24 ans. Rien ne l’a préparée à nager dans les eaux troubles panaméennes, au milieu d’escrocs et de trafiquants divers, si ce n’est une solide hérédité familiale et la certitude d’être sortie de la cuisse de Jupiter. Elle a terminé ses études universitaires à Georgetown et elle vient d’enregistrer cinq épisodes de la saison 5 de The Apprentice. Au pied levé, elle a remplacé l’un des juges. Avec un tel bagage, le monde ne peut être qu’à elle. Elle explique à Time: «Le Panama est un pays spectaculaire et prospère, qui change de jour en jour. C'est incroyable de voir la croissance de Panama City de mes propres yeux». Khafif tombe sous le charme à son tour et ose un blasphème: «Parfois, je pense qu'elle est même plus intelligente que son père sur certains points.» Le contrat est signé à New York en 2006, le jour même où le président panaméen, Martín Torrijos, annonce un spectaculaire élargissement du canal, pour un montant de 5,2 milliards de dollars. Roger Khafif est aux anges: «Quand vous pensez à Sydney, vous pensez à l'Opéra; quand vous pensez à Paris, vous pensez à la Tour Eiffel; et quand vous penserez à Panama vous penserez à cette tour». Il ambitionne, ni plus ni moins, de changer l’image du pays. Exit le Panama de Noriega, le général trafiquant de drogue qui dirigea le pays de 1983 à 1989, place au Panama de Donald.

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