Le 2 mai 1945, le Cap Arcona, le Thielbeck et l’Athen mouillent toujours dans la baie. Le grand paquebot est même si près de la côte occidentale que les habitants de Neustadt peuvent suivre le va-et-vient des transbordements. On y distingue nettement des hommes en armes dont les ordres portent jusqu’au rivage. L’effervescence est partout sur les bateaux, mais en ville aussi. Régulièrement survolée par des avions de reconnaissance britanniques, la population cède régulièrement à la panique. Beaucoup d’habitants s’apprêtent à gagner le Danemark après l’annonce du suicide d’Adolf Hitler à Berlin. Certains se barricadent chez eux en attendant l’arrivée des Alliés, tandis que d’autres se préparent à résister pour l’honneur. Il en est aussi qui s’abandonnent au fatalisme. L’instinct de survie et la conviction politique nourrissent d’étranges attitudes lorsqu’ils se confondent.
Depuis peu, le Haut-Commandement allemand s’est installé dans la région, devenue le dernier réduit nazi. Et le plan secret des dignitaires acculés par la progression des Alliés est de fuir au Danemark. Les services de renseignements britanniques en sont convaincus, si bien qu’ils mettent tout en œuvre pour les en empêcher. Or, pendant ce temps, de nouveaux déportés arrivés de Pologne abordent encore et toujours le Cap Arcona. A tel point que les SS eux-mêmes refusent de les laisser monter. Dans la confusion générale, certains prisonniers arrivent à quitter le paquebot en embarquant sur les transbordeurs et regagnent clandestinement Lübeck. Mais alors qu’ils se croient épargnés, ils vont être les premières victimes du plan d’extermination. De retour à terre, ils tomberont sous le feu des batteries tenues par les jeunesses hitlériennes, postées là sous la menace d’officiers acculés aux pires extrémités.