La jeunesse chinoise en mutation

© Julien Hazemann
Lao Gui, le patron du Nuts dans le backstage du club après un concert.

Issus pour la plupart de la classe ouvrière, les punks et les rockeurs se retrouvent et se mélangent au Nuts, la boîte tendance et alternative de Chongqing, où ils expérimentent à leur manière le modèle chinois de la réussite.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, Chongqing, ville du centre de la Chine, a été un bassin industriel. Les ouvriers et ouvrières travaillaient dans les usines d’Etat de père en fils, de mère en fille. Les réformes économiques d’inspiration libérale initiées dès 1979 par Deng Xiaoping ont amorcé le passage d’une économie planifiée à une économie privée. Un revirement politique qui marquera le début de la politique d'ouverture de la Chine, avec le nouveau concept d'«économie socialiste de marché». Les usines d’Etat ferment et les ouvriers au chômage sont incités à se reconvertir, à monter leur propre affaire. Et surtout à s’enrichir. Lentement, les industries lourdes font place à des industries manufacturières mobilisant davantage de travailleurs qualifiés et mobiles. Des millions de mingong (paysans-ouvriers) quittent leurs campagnes pour travailler dans les entreprises et chantiers des villes et zones péri-urbaines. 

Dans les années 90, la municipalité de Chongqing est créée par le gouvernement central pour qu'elle devienne le pôle économique majeur de l'Ouest de la Chine. La zone urbaine de Chongqing s'impose comme l'une des régions chinoises à la plus forte croissance démographique. En à peine 30 ans, les enfants de la classe ouvrière sont passés d’un pays pauvre et sous-développé à la société de consommation, ont pu accéder aux études supérieures et à l’Occident. 

Un bouleversement radical, au rythme soutenu du modèle chinois: métro, boulot, dodo. Si pour les jeunes chinois, la famille, au-delà du cercle de relations construites au lycée, à l'université ou au travail, reste le coeur de leur vie sociale, elle ne leur permet pas d'échapper à la solitude et à l'ennui. Leurs parents, à force de travailler pour pouvoir intégrer la promesse de cette Chine nouvelle, n'ont pas pris le temps de vivre ni de s'occuper de leurs enfants. 

En quête de sens, de passion, de quelque chose qui leur appartienne, les jeunes se rassemblent en groupes, en «familles», inventent de nouveaux lieux à leur image où s'émanciper de cette obsession permanente d'une vie stable, réussie et confortable. Des lieux comme le Nuts, LE club underground de Chongqing. Totalement décomplexés, ils s'y retrouvent pour exprimer à la fois leur singularité et découvrir d'autres manières d'être sur des rythmes rock, punk ou hip-hop. Une espace dans lequel ils contribuent à construire la nouvelle identité de la société chinoise.

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