Churchill, capitale mondiale de l'ours polaire

La ville de Churchill, au Canada, est la capitale mondiale de l’ours polaire. Enquête dans le Grand Nord sur les menaces qui guettent ces animaux.

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© DR

Durant la guerre froide, une installation militaire américano-canadienne fut construite aux abords de Churchill, une petite ville du nord de la province de Manitoba, sur la rive ouest de la baie d’Hudson. Les résidents de Fort Churchill avaient de nombreuses tâches à accomplir, parmi lesquelles se préparer à repousser une éventuelle attaque du pôle Nord par les Soviétiques. Il leur fallait aussi trouver comment lancer des têtes nucléaires sur Moscou à travers les aurores boréales, qui semblaient perturber les systèmes de guidage des fusées pour une raison mystérieuse. Mais les soldats, déjà bien occupés, devaient faire face à un autre désagrément chronophage: les centaines d’ours polaires qui erraient dans la toundra chaque automne. En novembre 1958, par exemple, l’un d’entre eux dévora une paire de bottes sur le champ de tir. Un autre brisa la fenêtre d’un immeuble, passa sa tête à l’intérieur et fut abattu au moyen d’un extincteur. Une vingtaine d’ours polaires – au bas mot – furetaient du côté du réfectoire et de la déchetterie, et tard un samedi soir, trois ours se montrèrent à la coopérative centrale. Des soldats les escortèrent hors du fort, jusque dans la toundra. L’un des rapports notait que «le petit hélicoptère s’avère être l’arme la plus efficace pour empêcher les ours de fourrer leur truffe partout».

Malgré cela, il arrivait que les animaux se dressent sur leurs pattes arrière pour en découdre avec les aéronefs. Un pilote d’hélicoptère décrivit combien il était déstabilisant de voler à basse altitude et de faire face à «des ours polaires de plus d’1,80 m lançant de violents crochets» de leurs pattes de la taille d’une assiette. Après quelque temps, les entrepreneurs militaires limitèrent la charge de travail à effectuer à l’extérieur la nuit, et les hauts gradés de la hiérarchie décidèrent qu’il valait mieux se tenir le plus loin possible des ours polaires. «Elle est belle la civilisation!» commençait un article de journal sur les femmes des militaires de Fort Churchill.

Une cinquantaine d’années plus tard, lorsque je suis arrivé sur place en plein mois de novembre 2012, l’armée avait déserté les lieux. Le fort avait été démantelé et détruit, bien que deux radômes massifs en ruine se dressassent toujours dans le lointain, telle une attraction Disney postapocalyptique. Une douzaine de véhicules spécialement conçus pour l’endroit, les Tundra Buggies (des véhicules tout-terrain utilisés pour observer et photographier les ours polaires), roulaient au pas le long du réseau de chemins de terre tracé puis abandonné par l’armée. Chacun des buggys était rempli de touristes, dont la plupart avaient payé plusieurs milliers de dollars chacun pour prendre l’avion jusqu’à Churchill. La ville s’est autoproclamée «capitale mondiale de l’ours polaire». On y trouve surtout des retraités en vacances, qui se rendent chaque jour dans la toundra pour voir les animaux, avant de retourner en ville pour rôder dans les boutiques de souvenirs le long de la rue principale. Ils y achètent des casquettes et des bonnets de ski ours polaires, des tee-shirts ours polaires, des tabliers ours polaires, des décorations de Noël ours polaires, des aimants ours polaires, des caleçons ours polaires, des plaques de finition pour interrupteurs ours polaires, des carillons éoliens ours polaires, des biberons ours polaires, ainsi que des pyjamas portant l’inscription «Bearly Awake» (jeu de mot anglais mêlant bear, ours, et barely awake, à peine réveillé, ndt). 

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