Qu'y a-t-il à voir?

© Svetlana Holzner
Durant la phase préopératoire, les experts s'affairent autour de Milky. 

La troisième édition du concours photographique de Sept a remporté un franc succès! Après un intense travail de sélection parmi de nombreux candidats, voici les travaux des lauréates 2019.

Pour sa troisième édition, le concours photo Sept 2019 s’est achevé sur une participation record. Une vingtaine de photographes de moins de 30 ans, professionnels ou amateurs, suisses ou vivant en Suisse, ont proposé des réponses à la question «Qu’y a-t-il à voir?» aussi diverses que talentueuses. Des travaux dont l’originalité et l’angle de vue ont particulièrement séduit. A divers degrés d’intérêts, les participants de cette troisième édition ont rempli leur rôle de témoins de leur temps et de leur environnement.

A commencer par Svetlana Holzner, qui remporte le premier prix pour son projet «De l’agitation à la vision», une série qui met en scène un jeune éthiopien opéré d’un grave problème de la vue. Diplômée de l’Université de Ryerson au Canada, Svetlana, 21 ans, est à l’origine de la création de plusieurs associations socioculturelle et cinématographique, et travaille pour plusieurs ONG. Le jury a plébiscité le travail de cette jeune photographe pour la transposition photographique d’une histoire vraie avec un début et une fin qui donne à voir une facette du monde et éclaire notre temps de façon intelligible et sensible. Le principe de la «série», qui induit que chaque élément tient une place nécessaire, est le fil conducteur d’une authentique narration. Une démarche qui correspond parfaitement à celle que nous défendons et qui guide nos pas depuis plus de 5 ans. Rendez-vous d’ores et déjà en 2020 pour la quatrième édition de notre concours sur le thème: «La vie au vert».

1er prix: De l’agitation à la vision, Svetlana Holzner

Milky tournait ponctuellement sa tête vers moi, en quête de repères. Je pouvais sentir que le son du déclencheur l’attirait et le perturbait à la fois. Il s’agrippait à son père, cherchant une odeur, une matière ou juste une voix familière pour le rassurer. 

J’ai suivi les traces de Milky Kubsa, un garçonnet de deux ans et demi atteint d’une maladie congénitale des yeux, qui a eu l’opportunité de se faire soigner. Je vous emmène à Addis-Abeba, capitale de l’Ethiopie, pour un voyage intensément émotionnel au coeur de la médecine locale. La série photographique commence sous haute tension: l’angoisse se lit sur le visage de Milky, son destin se joue dans les heures à venir. Aux premières lueurs du jour, l’ambulance amène Milky à l’hôpital, une structure constituée notamment de grands hangars austères et froids abritant les salles d’opération. Sa démarche est hésitante en raison de sa vision défaillante. Durant la phase préopératoire, l’équipe médicale s'affaire autour de l’enfant et, quelques minutes avant le moment fatidique, définit avec précision les zones de l’intervention. La pression monte pour Milky. L’opération débute. Dans la salle, pas un bruit si ce n'est la respiration des chirurgiens concentrés sur leur travail et celui des machines auxquelles Milky est relié. Tous les regards sont fixés sur ses yeux malades. Après un laps de temps interminable pour ses parents, le garçonnet sort du bloc pour être transféré dans une salle d’attente extérieure bondée et sale de la clinique voisine, où gémissent certains patients. Maintenant, il faut être patient... 48 heures après l’opération, les fils sont coupés, le verdict tombe: Milky a recouvré la vue. Et découvre pour la première fois l’univers qui l’entoure et celle qui est derrière le déclencheur. 

2e prix: Porteous, une occupation hivernale en sursis, Sophie Woeldgen

Chronologiquement, Porteous a été: une station d’épuration, un bâtiment vide, un projet d’établissement carcéral et finalement, un bâtiment occupé par le collectif «Prenons la ville». Situé à Vernier, à la périphérie de Genève, Porteous est squatté depuis le 25 août 2018. Mi-janvier de cette année, le gouvernement genevois a abandonné le projet de transformer ce lieu en prison à la faveur d’un espace culturel. Une victoire en demi-teinte pour le collectif. Car si sa revendication «Nous construisons un monde sans prison» a bien été entendue, l’Etat veut vider le bâtiment afin de le sécuriser. Pour ses occupants, pas question d’en faire «un centre culturel pour bobo». Ils sont donc bien décidé à y rester.

Avec mon appareil, j’y ai ai été chaleureusement accueillie. A une condition: ne pas photographier les personnes qui y vivent. L’occupation étant illégale, certains craignent en effet les poursuites. «Qu’y a-t-il à voir?» Ou plutôt «Qui y a-t-il à voir?» Je vous laisse imaginer qui sont ces gens qui façonnent, le temps du sursis, avec des matériaux et objets de récup’, des trucs et des astuces leur centre socioculturel ouvert à tous, moyennant une bonne capacité de résistance au froid.

Les travaux de Svetlana Holzner et de Sophie Woeldgen ainsi que ceux des autres participants au concours photo Sept 2019 sont exposés au Théâtre Nuithonie jusqu'à la fin de l'année.

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