Voir débarquer un Allemand à la fête commémorative du D-Day, aujourd’hui, cela ne surprend plus grand monde. Au mieux, cela fait sourire. C’est en tout cas l’effet produit par Burkhard Maus, photographe allemand né en 1949.
Début juin 2014, il s’est mêlé aux centaines de milliers d’Américains, Anglais, Canadiens… et, bien sûr, Français rassemblés en Normandie pour le 70e anniversaire. Il a cumulé les heures de bouchon sur les routes colonisées par les jeeps, les motos et les camions militaires de la Seconde Guerre mondiale.
Au volant de sa Land Rover noir, il a salué, tradition oblige, les occupants des autres véhicules. La tête légèrement enfoncée dans les épaules, lunettes demi-lune sur le nez, boutons de chemise fermés jusqu’au dernier, le petit conducteur ne laissait apparaître que le haut de son crâne bien tondu.
A chaque fois, il levait la main gauche, l’œil malicieux. L’allure du bonhomme et l’immatriculation allemande amusaient tous les gaillards habillés en GI. Soixante-dix ans plus tôt, la rencontre aurait été plus dramatique.
Depuis les années 1990, les Allemands sont les bienvenus aux commémorations du Débarquement. L’ouverture a commencé en 1994. François Mitterrand, alors président de la France, avait envoyé cette année-là un carton à Helmut Kohl, mais le 50e célébrait trop pour lui le triomphe militaire allié. Le chancelier allemand avait refusé de participer.
En 2004, le vent avait tourné. Ce n’était plus la victoire que l’on fêtait, mais la liberté. Le chef d’Etat allemand, Gerhard Schröder, était alors venu s’asseoir dans la tribune officielle. Au passage, il prononçait un discours dans lequel il reconnaissait la responsabilité historique de son pays, et l’assumait. Moment d’émotion. Depuis, sur les plages, le drapeau noir, rouge et or flotte aux côtés des autres.