Le calvaire des demi-veuves du Cachemire

© Juliette Robert
Begum Jom, avec des amis et voisins dans sa maison dans le village de Khudhalem.

Elles seraient près d'un millier au Jammu-et-Cachemire, zone de conflit entre l'Inde et le Pakistan, à vivre dans un flou juridique terrible: leurs maris, accusés sans preuves d'être des insurgés indépendantistes, sont portés disparus mais n'ont jamais été reconnus comme morts.

«Encore aujourd’hui, je continue d’attendre Fareed». Arsha Begum, 51 ans, les yeux dans le vague, la peine à fleur de peau, a le visage vieilli prématurément par les soucis et le chagrin. Triste et sec, à l’image des paysages montagneux de l’Etat indien du Jammu-et-Cachemire. Tout au Nord du sous-continent. Un matin, il y a 18 ans, son mari est parti travailler. Comme tous les autres matins. Mais il n’est jamais revenu. Disparu, sans laisser de traces. Bien sûr, Arsha a remué le ciel bas et la terre sèche de la Vallée du Cachemire. Elle est allée voir la police. Depuis, Arsha l’attend. Et elle élève, grâce à la maigre aide de ses voisins, ses deux fils, grands adolescents, handicapés mentaux et moteurs. Sur le seuil de sa modeste maison, ils jouent dans la poussière sous l’oeil attendri de leur mère, l’un debout, l’autre dans un fauteuil roulant rouillé.

Arsha n’est pas la seule à attendre dans cette vallée où la population est musulmane à 96%, contrairement au reste du pays, hindou. Où les mosquées centenaires percent de leur minaret le ciel de villages perchés dans les vastes montagnes de l’Himalaya. Où les habitants, à la peau moins foncée et aux yeux clairs, rappellent plutôt des Afghans que des compatriotes indiens. Où l’on parle l’ourdou, langue du voisin et néanmoins ennemi pakistanais et non l’hindi. Où les hommes disparaissent comme par enchantement. Dans ce coin d’Inde marqué par les violences, toutes les familles ou presque ont connu ce mauvais sort. Il faut dire que l’endroit est explosif. Au moment de la partition de 1947, la région du Cachemire, administrée par un maharadja indépendant, ne souhaite rejoindre ni l’Inde ni le Pakistan. Mais l’invasion du territoire par des tribus pachtounes pakistanaises force le prince à demander l’aide militaire de l’Inde.

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