Depo-Provera: le prochain scandale médical est en marche (2/4)

Il y a trente ans, les injections contraceptives trimestrielles étaient interdites aux Etats-Unis, et certains épisodes peu reluisants de leur histoire encore dans tous les esprits. Aujourd’hui, ces controverses semblent oubliées. Le deuxième volet de notre enquête révèle à la faveur de quelles circonstances leur fabricant a pu retourner la situation.

depo provera depo provera
Le contraceptif Depo-Provera est massivement distribué dans les pays en développement. Comme si ses antécédents controversés n’avaient jamais existé.© Elodie Bregnard

En 1984, Upjohn, le fabricant du contraceptif injectable Depo-Provera, essuyait un cuisant échec aux Etats-Unis. Une commission d’enquête venait de confirmer une décision prise six ans plus tôt par l’autorité américaine de régulation des médicaments (Food and Drug Administration, FDA): le refus d’accorder à ce produit une autorisation comme contraceptif.

Raisons invoquées: les risques pour la santé associés à l’acétate de médroyprogestérone (DMPA, principe actif de Depo-Provera), notamment une augmentation du risque de cancer du sein. Upjohn avait fait recours, mais la décision était sans appel. Depo-Provera ne recevrait pas son ticket d’entrée pour les Etats-Unis. L’accès au plus grand marché du monde lui restait interdit.

Plus de vingt ans après avoir déposé sa demande d’homologation auprès de la FDA, Upjohn se retrouvait ainsi à la case départ. Alors qu’une autorisation en Amérique du Nord aurait permis de régler beaucoup de problèmes. Pour le fabricant, la situation devenait de plus en plus intenable.

Depuis les années 1960, Depo-Provera avait été approuvé dans 82 pays, y compris nombre d’Etats industrialisés. Il était largement acheté et distribué par l’OMS, l’UNFPA (Fonds des Nations Unies pour la population) et l’IPFF (International Planned Parenthood Federation) dans le cadre de programmes de planning familial dans les pays en développement. Pour fournir ses clients, Upjohn était obligé de passer par sa filiale belge afin de contourner la loi américaine, qui interdisait l’exportation de médicaments dont l’usage n’était pas approuvé aux Etats-Unis.

D’un autre côté, Depo-Provera avait de plus en plus besoin d’une «légitimité US» pour faire taire les critiques et les résistances qui se multipliaient. Dans les pays en développement comme dans les pays industrialisés, différentes organisations de défense de la santé des femmes tombaient en effet régulièrement à bras raccourcis sur le DMPA.

A l’instar du National Women’s Health Network, du Boston Women’s Health Book Collective, ou encore du Health Research Group, aux Etats-Unis. En Nouvelle-Zélande, une «Campaign Against Depo» avait été lancée. En Inde et en Afrique du Sud, des collectifs d’avocats et de médecins fustigeaient l’absence totale d’information aux femmes auxquelles les injections étaient administrées.

Pour tous ces acteurs, il n’y avait pas le moindre doute. Les programmes qui distribuaient le DMPA ciblaient à dessein des populations vulnérables et avaient un seul objectif: limiter les naissances dans les pays pauvres, ainsi que chez les populations autochtones ou les milieux sociaux défavorisés de pays industrialisés comme la Nouvelle-Zélande. Pour eux, le DMPA était l’instrument coercitif de programmes eugénistes d’expérimentation à grande échelle. En 1981, les autorités du Zimbabwe avaient décidé de l’interdire.

La suite de cette histoire est payante.

Abonnez-vous

Et profitez d'un accès illimité au site pour seulement 7.-/mois.

Je profite → Déjà abonné? Connectez-vous.

Achetez cet article

Nouveau: dès 0.50 CHF, payez votre histoire le prix que vous voulez!

Je me connecte → Paiement rapide et sécurisé avec Stripe