A l’époque où nous sommes arrivés, c’est-à-dire vers la moitié à peu près du règne de Louis XV, il a huit enfants de la reine; de ses maîtresses, excepté le «demi-Louis», il n’en eut jamais, et surtout n’en voulut jamais avoir, les bâtards de Louis XIV ayant été une haute instruction pour sa jeunesse. Ces enfants étaient:
Le dauphin, né le 4 septembre 1729;
Le duc d’Anjou, né à Versailles le 30 août 1730 et mort en 1733;
Louise-Elisabeth de France, mariée à don Philippe, née le 14 août 1727;
Anne-Henriette, sœur jumelle de Louise-Elisabeth;
Marie-Adélaïde, connue sous le nom de «madame Adélaïde», née le 23 mars 1732;
Victoire-Louise-Marie-Thérèse, née le 11 mai 1733;
Sophie-Philippine-Elisabeth, née le 27 juillet 1734;
Louise-Marie, née le 15 juillet 1737.
Donc, en supposant que nous en soyons arrivés au commencement de l’année 1750, le roi a quarante ans; la reine en a quarante-sept, le dauphin en a vingt-et-un, les princesses jumelles en ont vingt-trois, madame Adélaïde en a dix-huit, la princesse Victoire en a dix-sept, la princesse Sophie en a seize; enfin, la princesse Louise en a treize.
Les princesses, à part madame Louise-Elisabeth, mariée à don Philippe, vivent sous la tutelle de leur mère.
Les caractères de toutes ces princesses étaient fort différents; quelques-unes étaient assez étranges. Madame était bonne, sans passion, réfléchie, timide et sage; elle se plaisait fort dans la société de madame de Ventadour, presque centenaire, à laquelle elle faisait raconter toutes les anecdotes de la cour de Louis XIV.
Madame Adélaïde, au contraire, était fort décidée; elle avait toutes les allures d’un garçon, jouait du violon, montait à cheval, aimait la chasse. Son ambition avait toujours été d’être homme et de faire la guerre. Toute petite, elle disait:
— Je ne sais pas pourquoi on désire tant un duc d’Anjou; il n’y a qu’à me faire duc d’Anjou, moi, on verra ce dont je suis capable.
A l’âge de treize ans, elle était parvenue, en jouant au cavagnole avec la reine, à lui voler quatorze louis. Le lendemain, on la rencontra ouvrant les portes et essayant de sortir de Versailles pour aller acheter son équipage de guerre.
— Où allez-vous, princesse? lui demanda l’une de ses femmes en l’arrêtant.
— Où je vais ? répondit madame Adélaïde. Je vais me mettre à la tête de l’armée de papa-roi. Je battrai les ennemis et j’amènerai le roi d’Angleterre prisonnier à Versailles.
— Et comment exécuterez-vous seule un pareil projet, princesse?
— Je ne suis pas seule; j’ai pour allié un homme à qui j’ai fait obtenir une place à la cour et qui m’a promis de venir avec moi.