L’étrange technique de pêche des Vaudois inventée par Alexandre Dumas

Fuyant l'épidémie de choléra et les conspirations royalistes qui sévissent à Paris, Alexandre Dumas quitte la capitale française en mai 1832 pour se rendre en Suisse. L'auteur veut tout voir, tout savoir des curiosités locales, des traditions et des gens.

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Nature morte aux poissons et aux filets de pêche, Johannes Fabritius (1650-1700).© DR

Désireux de toucher un nouveau lectorat parisien, Alexandre Dumas invente des aventures de toutes pièces dans ses Impressions de voyage en Suisse. Lorsqu’il arrive à Bex, village vaudois (et non valaisan comme il l’affirme), Dumas passe la nuit à l’auberge de l’Union, réputée pour la qualité de ses mets, notamment le chamois et la truite. Dans son récit, l’écrivain raconte de quelle manière il pêche la truite à la serpe et à la lanterne de nuit dans l’Avençon avec Maurice, le jeune commis de l’établissement. Il relate ainsi cette étrange pratique: «En effet, cette lanterne, avec son long tuyau, était destinée à explorer le fond du torrent, tandis que le haut du conduit, sortant de l’eau, laissait pénétrer dans l’intérieur du globe la quantité d’air suffisante à l’alimentation de la lumière. De cette manière, le lit de la rivière se trouvait éclairé circulairement d’une grande lueur trouble et blafarde qui allait s’affaiblissant au fur et à mesure qu’elle s’éloignait de son centre lumineux. Les truites qui se trouvaient dans le cercle qu’embrassait cette lueur ne tardaient pas à s’approcher du globe, comme font les papillons et les chauves-souris attirés par la lumière, se heurtant à la lanterne, et tournant tout alentour. Alors Maurice levait doucement la main gauche qui tenait le falot; les étranges phalènes, fascinées par la lumière, la suivaient dans son mouvement d’ascension; puis, dès que la truite paraissait à fleur d’eau, sa main droite, armée de la serpe, frappait le poisson à la tête, et toujours si adroitement, que, étourdi par la violence du coup, il tombait au fond de l’eau pour reparaître bientôt mort et sanglant et passer incontinent dans le sac suspendu au cou de Maurice comme une carnassière.»

Deux ans après la publication de son journal de voyage, le journaliste Georges Arandas se rend à Bex pour s’entretenir avec le tenancier, Benjamin Dürr, de la véracité de cette étrange technique de pêche. L’aubergiste est formel: Dumas s’est contenté de manger son poisson à une table du restaurant; il ne connaît pas non plus de Maurice… Dans son article, qui paraîtra l’année suivante, Arandas démontre que la méthode infaillible de pêche à la serpe et à la lanterne est plus efficace dans l’esprit farceur du romancier que dans les gorges de l’Avençon, la rivière qui traverse Bex.

Alain Chardonnens, historien, enseignant et formateur à Fribourg

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