Hala Lotfy nous m’a fixé rendez-vous à Kafein, un petit café ultramoderne du centre-ville du Caire. La patronne de ce spot de la jeunesse branchée est une Américaine connue comme le loup blanc dans le quartier. La réalisatrice de Al-khoroug lel-nahar (sorti en 2013), l’une des stars des cinéastes égyptiens, arrive croulant sous les sacs. Apparence presque cagnarde. Mais la voix, elle, est déterminée. La femme, elle, est engagée: depuis 2014, elle est présidente d’un syndicat d’artistes indépendants de l’audiovisuel.
«Nous ne pouvons pas changer le sommet de la pyramide, souffle-t-elle. C’est la constatation qui sert de base à nos projets. Le combat contre un président exige un effort immense pour un changement insignifiant», poursuit Hala Lotfy, la quarantaine. Comédienne et écrivain, Donia approuve avec une pointe d’amertume: «Beaucoup d’artistes impliqués dans la révolution de 2011 ont été désespérés par l’évolution politique de ces trois dernières années. Ils ont constaté qu’ils ne pouvaient guère influencer la situation. Le pouvoir veut empêcher les gens de se fédérer autour d’objectifs communs.» Pas question pourtant d’abandonner. La résistance se manifestera par d’autres biais. Puisque les forces d’inertie sont trop ancrées au sommet, chacun tentera de transformer son propre pré. Peu importe le temps que cela prendra.