Le lieu n’a pas été choisi par hasard: une rue à l’angle de celle de Mohammed Mahmoud au Caire, à un pâté de maisons du Parlement égyptien, à un jet de pierre du ministère de l’Intérieur et de la place Tahrir. C’est ici que les affrontements lors de la révolution de 2011 ont été les plus violents. Le macadam noirci par les cocktails Molotov, les barricades de béton qui barrent encore les rues adjacentes et la carcasse d’une voiture calcinée sont là pour en témoigner.
Etudiante de 22 ans, Aya et ses amis se souviennent bien de ces événements pour y avoir participé. Ce soir-là de l'été 2015, comme trois fois par semaine, ce coin de rue est leur terrain de jeu et d’expression. Ils s’y retrouvent à la tombée du jour et jusqu’au petit matin, contribuent à leur tour au nombre impressionnant de graffitis qui ornent jusqu’aux murs de certains bâtiments officiels. Les graffitis ont surgi en Egypte en même temps que les premiers soulèvements. Aya fait partie des quelques égyptiennes qui graffent sur les murs de la capitale égyptienne. Elle fignole le détail d’une fresque, entre deux blagues échangées avec les potes de sa bande, une majorité de garçons. L’exercice ne semble pas la stresser. Pourtant, à deux pas de là, des policiers quadrillent les abords du parlement. «Ils ne viendront pas parce que nous sommes là», rassure-t-elle, bravache. Sur la fresque, des soldats en armes, des petits hommes barbus visiblement énervés, une petite fille en robe rose et une colombe. Un résumé à grands traits des tensions et des espoirs qui sont encore latents en Egypte.