Emin Huseynov: «Une minute de plus et j’aurais été arrêté»

© Nicolas Brodard
Emin Huseynov à la gare de Berne. Depuis son arrivée en Suisse, il a beaucoup voyagé dans le pays et le connais désormais aussi bien que certains de ses habitants.

Traqué par les Services secrets azerbaïdjanais, le défenseur des droits de l’homme s’est réfugié à l’ambassade suisse de Bakou à l’été 2014. Il ne la quittera que dix mois plus tard, exfiltré au milieu de la nuit par Didier Burkhalter en personne.

Bakou, Azerbaïdjan. 18 août 2014, début d’après-midi. La chaleur est intenable dans les rues étroites du quartier d’İcherisheher, au cœur de la vieille ville. Les maisonnettes en pierre répercutent les rayons du soleil. Les gérants des petites boutiques à souvenirs sortent s’abriter sous les arbres pour respirer un peu d’air. Seuls les restaurants traditionnels climatisés semblent échapper aux affres de l’été azéri. Une voiture roule au pas sur une trentaine de mètres en direction du numéro 9 de la rue Böyük Qala: l’ambassade suisse. Un homme s’extrait du véhicule en vitesse. C’est Emin Huseynov. Le journaliste se terre depuis des jours pour échapper aux services secrets. Ses prises de position en faveur des droits de l’homme sont devenues insupportables à l’autoritaire président Ilham Aliyev. Le régime azerbaïdjanais est déterminé à le réduire au silence. Poursuivi sous de fallacieuses charges d’évasion fiscale, il risque la prison, et pire encore. L’ambassade suisse est son ultime espoir. Emin Huseynov s’est teint les cheveux et la barbe en blond platine. Il porte des lentilles de couleur grise. Ainsi grimé en Occidental, il espère berner ses cerbères pour l’atteindre.

Emin Huseynov explique comment il a modifié son apparence pour éviter de se faire reconnaître.

Des proches sont venus repérer les lieux peu avant. La voie semblait libre. Il n’en est rien. Six membres des services secrets surveillent discrètement la petite maison à trois étages. Ceux-ci apostrophent l’agent de sécurité privé qui campe devant l’ambassade pour qu’il intercepte le nouvel arrivant et lui demande son passeport. Malgré la nervosité ambiante, personne ne le reconnaît. «I am Alex Irmindiyev, dit-il dans un anglais rudimentaire. Sorry, I don’t speak azerbaïjani.» Il appuie sur la sonnette de l’ambassade tandis que l’agent continue de l’interroger. «Si personne ne m’avait répondu, le garde aurait fini par me reconnaître. Une minute de plus et j’aurais été arrêté.» Les portes s’ouvrent alors subitement et quelqu’un le tire à l’intérieur. Emin Huseynov est sauf.

Le choix de l’ambassade helvétique ne doit rien au hasard: l’Azerbaïdjanais bénéficie de liens privilégiés avec la Suisse et Didier Burkhalter. Il a en effet rencontré le Conseiller fédéral, alors Président de la Confédération et de l’OSCE, à deux reprises. Leur dernier entretien remonte à quelques semaines lors d’une réunion à Berne le 12 juin 2014, autour de la question des droits de l’homme. A cette époque, sa sécurité personnelle n’était pas encore en danger. Deux mois plus tard, la situation avait changé du tout au tout et l’ambassadeur de Suisse à Bakou était informé de sa venue. Une fois entré dans le bâtiment, Emin Huseynov devra attendre deux heures avant de recevoir l’accord final du DFAE pour rester dans le bâtiment diplomatique.

«Demander à la Suisse de protéger ma vie a été la meilleure décision de ma vie.» Attablé au deuxième étage d’un café de Berne, Emin Huseynov a parfois le regard perdu dans le vide, comme s’il revivait encore une fois ces scènes qui ont changé le cours de sa vie. Ironie de l’histoire, c’est devant le Palais fédéral que nous avons rendez-vous quelques mois après son arrivée en Suisse. Par pure commodité. Le trentenaire est arrivé avec un quart d’heure de retard et s’est immédiatement excusé. Malgré un physique presque chétif, le journaliste dégage un certain charisme. Son calme reflète une lucidité profonde face aux enjeux qui l’attendent. Au-delà des menaces qui pèsent encore sur lui aujourd’hui, mais surtout sur ses proches restés au pays, il continue son combat. Emin s’exprime dans un anglais teinté d’accent azerbaïdjanais et choisit patiemment ses mots. De temps en temps, un sourire malicieux vient illuminer son visage souvent impassible. Son récit est celui d’un Azerbaïdjan oppressé, mais terriblement vivant.

Etudiant en économie, Emin Huseynov ne s’est découvert une conscience politique que sur le tard. «J’étais comme un zombie à l’université, analyse-t-il. Je n’avais jamais pensé à la politique puisque je n’avais aucune raison d’avoir un regard critique.» En 2002, alors qu’il commence sa thèse, il est recruté par l’agence d’informations indépendante Turan, d’abord comme analyste financier, puis comme journaliste d’investigation. Il découvre alors la fracture abyssale entre le marché qu’il étudie dans les livres et la réalité du terrain. «Tout était faux. J’ai réalisé que nous évoluions dans un système mafieux.» En 2003, Emin remplace au pied levé un photographe pour couvrir les manifestations qui secouent Bakou à la suite de la première élection d’Ilham Aliyev. Les affrontements avec les forces de l’ordre font deux morts du côté des manifestants. Brutalisé par la police, Emin est touché à la colonne vertébrale et ne se réveille que le lendemain aux soins intensifs. «Si je n’avais pas fait ce choix, je n’aurais peut-être jamais eu la vie qui est la mienne aujourd’hui. J’ai réalisé l’ampleur des mensonges du gouvernement. Je me devais de faire connaître la vérité.»

Pendant plus de dix ans, Emin Huseynov œuvre en ce sens dans son pays. Face aux attaques répétées contre les journalistes, il fonde l’Institute for Reporters Freedom and Safety (IRFS) en 2006. Par son travail, le jeune homme cherche à mettre en lumière les dérives de son gouvernement et les restrictions imposées aux professionnels des médias et citoyens azerbaïdjanais. Les agressions physiques de la police sont régulières. En juin 2008, il est arrêté et détenu illégalement. A nouveau, la violence du passage à tabac est telle qu’il perd connaissance. Et reste plusieurs jours hospitalisé. Amenée à statuer sur ce cas, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné l’Azerbaïdjan en mai 2015 à 20’000 euros d’amende pour diverses violations de la convention européenne. Peine ignorée par l’Etat caucasien.

Emin Huseynov évoque son incompréhension vis-à-vis des décisions du régime azerbaïdjanais.

La répression des voix discordantes est une constante dans cette jeune république autocratique, indépendante de l’URSS depuis 1991. Le pays est dirigé de main de fer par la famille Aliyev – d’abord par Heydar, le père, ancien cadre du KGB, puis par son fils Ilham à partir de 2003. Le clan Aliyev est assis sur les abondantes réserves du pays en pétrole et gaz naturel; ressources qui en font un état clé dans la région du Caucase. Tant les puissances occidentales que la Russie tentent de s’attacher les faveurs du président. Bordée par la Russie au nord, l’Iran au sud, la Turquie à l’ouest, et la mer Caspienne à l’est, l’Azerbaïdjan est donc d’une importance géopolitique et économique capitale.

A l’occasion des élections présidentielles de 2013, la Commission électorale centrale azerbaïdjanaise a déclaré Ilham Aliyev vainqueur avec 72,76% des votes sur son application pour smartphone. Problème: ces résultats ont été publiés la veille du scrutin! Le lendemain, Aliyev est officiellement élu. Le président évoque le «triomphe de la démocratie». Evidemment. La communauté internationale ne bronche pas. Personne ne veut froisser le régime. Avec l’organisation de l’Eurovision en 2012, le pays a mis en place une stratégie de promotion internationale en accueillant des manifestations culturelles et sportives d’importance. A l’été 2014, soit à moins d’un an des premiers Jeux européens de l’histoire, à Bakou, des voix dissidentes tentent de se faire entendre. «Nous voulions utiliser cet événement afin de montrer au monde le revers de la médaille, reconnaît Emin Huseynov. L’image idyllique que promeut le gouvernement est totalement manipulée. Les conditions de vie sont horribles en Azerbaïdjan.»

En l’espace de quelques semaines, les deux principaux journaux indépendants ainsi qu’une douzaine d’ONG sont fermés de facto, leurs comptes en banque saisis. Plusieurs activistes célèbres à l’instar de Leyla Yunus, de son mari Arif, de Rasul Jafarov ou d’Intigam Aliyev sont arrêtés sous des prétextes perfides. Au moins une vingtaine de «prisonniers d’opinion» sont mis sous les verrous, selon Amnesty International. Le 5 août 2014, les événements se précipitent. Emin Huseynov est attendu dans un hôpital d’Istanbul pour soigner son épaule. Le journaliste souffre de complications après une mauvaise chute. La police des frontières l’empêche pourtant d’embarquer à l’aéroport international de Bakou. Pire, on lui notifie une interdiction de quitter le territoire et de voyager. Traqué, le défenseur des droits de l’homme se tourne vers les Etats-Unis, pays d’origine de son épouse qui travaille pour les Peace Corps (Corps de la Paix), une agence indépendante du gouvernement américain. Le 6 au soir, il se rend donc à l’ambassade où il rencontre, à l’occasion d’un cocktail, Dereck Hogan, chef de mission et plus haut responsable diplomatique après le départ de l’ambassadeur Richard Morningstar arrivé au terme de son mandat. Sur un bout de papier, Huseynov a écrit:

– Quel type d’aide pouvez-vous me fournir? Je suis en danger.

La réponse, elle aussi gribouillée sur un bout de papier, est aussi immédiate que surprenante:
– Nous sommes désolés. Nous ne pouvons rien faire actuellement. Nous n’avons pas suffisamment de place pour vous accueillir.
La taille de l’imposant immeuble situé sur l’Avenue Azadliq est pourtant sans commune mesure avec le petit immeuble de la représentation helvétique. En se remémorant tous ces épisodes, Emin Huseynov ressent comme le besoin de justifier sa fuite: «On m’a parfois dit que j’aurais dû aller en prison et y être torturé, cela aurait forgé mon image de héros. Si j’avais eu vingt collègues libres capables de poursuivre mon travail, je n’aurais peut-être pas fui. Mais dans une situation comme la nôtre, chaque voix compte. Et tous avaient déjà été arrêtés. Pour défendre les droits des autres, il faut commencer par défendre les siens.»

Cet été 2014, le fondateur de l’IRFS se terre chez son ami et collègue, Rasim Aliyev, qui l’aide à préparer son expatriation. Première tentative: au petit matin du 7 août, il conduit Huseynov dans un village à 300 kilomètres au nord de la capitale, près de la frontière géorgienne. Le lendemain, la maison d’Huseynov et les bureaux de l’IRFS sont fouillés simultanément. Ce jour-là, Emin Huseynov était censé fêter avec son épouse l’anniversaire de sa mère et celui de son mariage. Les forces de l’ordre font chou blanc. Quand le journaliste azerbaïdjanais pénètre dans l’ambassade helvétique, dix jours plus tard, il échappe probablement à une mort certaine. Mais c’est aussi le début d’une interminable attente. Emin Huseynov occupe une pièce de 17 m2 avec une petite kitchenette et des toilettes séparées. «Parfois, cette chambre me manque, glisse-t-il dans un éclat de rire. Comme l’ambassade est une petite maison qui ne dispose pas de jardin ni de cour extérieure, il m’était impossible de prendre l’air. On m’a fourni un tapis roulant pour que je puisse faire un peu d’exercice, mais j’enviais parfois les promenades journalières des détenus des prisons étatiques».

Emin Huseynov décrit son séjour à l’ambassade Suisse en attendant son exfiltration.

Ce confinement et le manque de soleil auront des conséquences sur sa santé. Il souffre de troubles de la vue et de maux de tête, sa pression sanguine est trop élevée. Malgré une attention médicale particulière, il n’est pas à l’abri d’une urgence qui nécessiterait une hospitalisation hors des murs de l’ambassade. Scénario catastrophe qui lui serait fatal puisque la police l’arrêterait immédiatement. «J’ai souffert psychologiquement de l’isolement, admet-il sans détour. Quand tu ne peux pas contacter tes amis ou ta famille, le temps semble très long.» Ce n’est qu’à partir du mois de novembre 2014 qu’il aura accès à internet. Emin Huseynov se fera cependant le plus discret possible, sur les réseaux sociaux notamment, ne communiquant avec aucun journaliste. Il est persuadé que l’Etat azéri l’a mis sur écoute et décortique chacune de ses conversations. Pour tuer le temps et vaincre la monotonie, il commence à peindre. Malheureusement, les vapeurs de la gouache l’incommodent dans sa petite chambre et l’obligent à laisser les pinceaux de côté.

L’ennui fait place à une dépression rampante. «Les premiers mois ont été terribles. J’avais l’impression qu’ils duraient des années. J’étais comme dans la station spatiale internationale. Puis, je me suis fait une raison. C’est comme si ma sensibilité politique était morte. Je me suis dit que je devais prendre les journées les unes après les autres et ne plus imaginer le pire. J’ai toujours gardé espoir, car je savais que je devais résister non seulement pour moi, mais surtout pour les autres.» Durant son séjour à l’ambassade, d’août 2014 à juin 2015, sa famille est la cible du régime. Sa mère est amenée au poste de police pour interrogatoire, son frère Mehman contraint de se cacher durant trois mois. Aidé par des amis, et notamment par la célèbre activiste Khadija Ismayilova, arrêtée elle aussi, il transitera de maison en maison avant d’être lui aussi arrêté et détenu une dizaine d’heures. Interdit de quitter le pays, son passeport et son permis de conduire lui sont confisqués. «Aujourd’hui encore, j’ai peur pour mes parents, avoue Emin, le regard sombre. L’Etat tente d’utiliser ma famille contre moi pour m’obliger à me rendre. Ils ont menacé de les emprisonner sous de fausses accusations.»

La fin de l’année 2014 marque un tournant. Le 4 décembre, les employés de l’ambassade lui préparent une fête pour son 35e anniversaire. Suivent Noël et le Nouvel An. De son propre aveu, ce sont paradoxalement les trois jours les plus heureux de sa vie. «Jamais je ne revivrai une période aussi spéciale, assure-t-il. Le personnel de l’ambassade m’a aidé à tenir bon. Grâce à certains d’entre eux avec qui j’ai noué des amitiés, j’ai réalisé que je n’étais pas seul. Aujourd’hui, ils me manquent et j’espère les revoir très vite.» Jusqu’au 12 février 2015, la présence de l’Azerbaïdjanais à l’ambassade est un secret bien gardé. Mais ce jour-là, l’émission Rundschau de la Télévision suisse alémanique dévoile l’affaire. La pression s’accroît sur le Département fédéral des affaires étrangères qui, par communiqué de presse, confirme l’information d’une personne «exceptionnellement» en résidence à l’ambassade pour «raisons humanitaires». Le communiqué précise enfin que «la Suisse mène des négociations avec les autorités azerbaïdjanaises pour trouver une solution dans le sens de cette personne». Jamais le nom d’Emin Huseynov n’est cité.

Si ce dernier est régulièrement tenu au courant des pourparlers entre la Suisse et l’Azerbaïdjan, le temps lui paraît suspendu. Début mars, Bahar Muradova, vice-présidente du Parlement azerbaïdjanais, effectue une visite officielle de trois jours en Suisse sur invitation du président du Conseil national, le socialiste Stéphane Rossini. D’après le communiqué officiel qui clôt la rencontre, les relations bilatérales entre les deux pays ont été au centre des conversations. Le cas Huseynov a forcément été abordé, mais rien ne filtre à ce sujet.

Bakou. 12 juin 2015, 21 h 00. Les premiers Jeux européens, qualificatifs pour les Jeux olympiques, sont officiellement ouverts. Tous les habitants du pays sont rivés à leur téléviseur pour suivre l’événement censé mettre en lumière leur pays aux yeux du monde. Les échos des feux d’artifice provenant du stade résonnent jusque dans la vieille ville. A l’ambassade suisse, l’euphorie est aussi à son comble. Dans quelques heures, Emin Huseynov doit quitter le pays et s’envoler pour la Suisse aux côtés du Conseiller fédéral Didier Burkhalter, qui assiste à la cérémonie d’ouverture. «J’ai eu à peine douze heures pour préparer mes maigres affaires, détaille-t-il. Je n’ai pris que le strict nécessaire, quelques documents, mon ordinateur.»

Emin Huseynov déclare avoir été surpris de la rapidité avec laquelle son exfiltration a été menée.

Dès la fin de la cérémonie, peu avant 23 h 00, le Conseiller fédéral le rejoint à l’ambassade: départ pour l’aéroport où les attend le Falcon 900 de la Confédération. «J’ai présenté mes documents au bureau de douane, et mon départ a été autorisé», résume Emin qui apprendra deux mois plus tard que son passeport avait été annulé par les autorités azerbaïdjanaises, le président Aliyev lui ayant retiré sa nationalité par un décret présidentiel exceptionnel. C’est donc grâce à un laissez-passer des autorités helvétiques qu’il a pu quitter sa patrie. Dans le plus grand secret, mais avec l’accord du chef de l’Etat azerbaïdjanais. Au petit matin du 13 juin, Emin pose le pied à Berne.

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Mehman, le frère d'Emin, dans le quartier populaire de Qaraçuxur où ils ont grandi. © Nicolas Brodard

Personne ou presque n’était au courant de son exfiltration. La famille d’Emin n’en sera informée que le lendemain. «Mon frère a d’abord pensé à une mauvaise blague. Ce n’est que lorsque je lui ai montré ma chambre d’hôtel à Berne via Skype qu’il m’a enfin cru. Je pense beaucoup à lui, car il a pris la décision de continuer à dénoncer la situation sur place. Sa liberté ne dépend que de la bonne volonté du gouvernement. Il sait que s’il dépasse les bornes, il risque non seulement de se faire arrêter, mais surtout de se faire liquider.» Si un départ pour les Etats-Unis, patrie de sa femme, a été envisagé dans un premier temps, Emin a finalement décidé de rester en Suisse. Il a immédiatement fait une demande d’asile et reçu, le 19 octobre 2015, un avis favorable de la part du Secrétariat d’Etat aux migrations. Emin Huseynov se défend d’avoir été muselé par le gouvernement azerbaïdjanais en échange de son départ du pays. «Si je coulais des jours paisibles en Suisse, ce serait un scénario idéal pour les autorités de mon pays. Mais ma vie, c’est mon travail. Le respect des droits de l’homme est une cause universelle qui ne concerne pas uniquement ma personne ni même les seuls habitants de l’Azerbaïdjan.»

Emin exhibe fièrement ses papiers officiels. A l’emplacement où devrait figurer le nom de son pays d’origine, il est simplement écrit N/A (not applicable, inapplicable). L’une des conditions sine qua non du président Aliyev pour le laisser quitter le pays. Le porte-drapeau du combat pour les droits de l’homme en Azerbaïdjan est donc apatride. Ultime affront. «C’est une violation de mes droits fondamentaux, se révolte-t-il. Ce type de décision représente une partie du prix que j’ai dû payer pour quitter le pays. Aliyev a compris qu’il ne pourrait pas m’arrêter et a essayé de m’atteindre autrement.»

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Arrivé en Suisse le 13 juin 2015 avec le Conseiller fédéral Didier Burkhalter, Emin Huseynov a déposé sa demande d’asile dans le canton de Berne et y vit depuis sous l’autorisation d’un permis B. © Nicolas Brodard

Seul en Suisse, à 3’500 kilomètres de sa terre natale, Emin Huseynov poursuit son combat pour faire connaître la situation dans son pays. Il a notamment participé à la campagne «Sports for Human Rights» lancée à l’occasion des Jeux européens de 2015. Et grâce à son permis B, ainsi qu’une autorisation de voyager hors de Suisse, le défenseur des droits de l’homme a déjà pu se rendre à l’étranger, notamment au Conseil de l’Europe à Strasbourg. Ces prochaines années s’annoncent déterminantes. L’Azerbaïdjan, lancé dans sa politique de promotion internationale par le sport, a déjà organisé en 2016 un grand prix de Formule 1 et est en passe d’accueillir quatre matchs de l’Euro 2020 de football. Des occasions qu’Emin Huyeynov ne laissera pas passer. Après avoir échappé aux griffes du régime du président Ilham Aliyev, il veut tirer profit de toute cette attention médiatique sur Bakou pour le faire tomber.