Au système clientéliste du pauvre qui recrute sur fond de misère, il faut à Marseille un pendant bourgeois. Et un maître protecteur. Depuis maintenant vingt ans qu’il est perché là-haut, sur le fauteuil de maire de la deuxième ville de France, au-dessus des autres, avec son accent ensoleillé tel un jingle, sa marque déposée «Marseillais depuis toujours», «Gaudin» – comme il se nomme lui-même pour mieux s’observer – fascine ou agace, pour les mêmes raisons. Pour la plupart des Marseillais, Jean-Claude Gaudin, irrationnel comme «sa» ville, est là depuis aussi longtemps que la Bonne Mère, l’abbaye de Notre-Dame-de-la-Garde qui surplombe la ville et veille sur elle.
On dira que Gaudin est fatigué. On le regardera parfois grimacer en marchant, les articulations grippées par la goutte, cette maladie des gens riches, du moins dans leur alimentation. Quand le mal s’impose, son service de presse mesure la distance à parcourir jusqu’au pupitre où l’orateur pourra prendre appui. La distance de sa résistance faciale à la douleur semble avoir été évaluée à vingt-cinq mètres maximum. On constatera aussi que Jean-Claude Gaudin rabâche les mêmes histoires, aux mêmes personnes, lors des mêmes cérémonies, avec le même ton, les mêmes hésitations, les mêmes effets et les mêmes chutes pleines de satisfaction. On le dira donc vieux, usé.