L’exploitation de la misère par la misère, si elle n’est pas morale, est bien réelle, même si ça chatouille les bons sentiments. Chacun pour sa peau. J’ai pu le constater un jour en suivant une patrouille de police. Pour se protéger du vent pendant les jours les plus froids de février, trois sans-papiers louaient à un homme une voiture épave stationnée dans un coin sombre de la rue d’Amiens, au cœur du quartier Saint-Lazare collé à celui de Saint-Mauront. Et pour se rembourser, voire gagner un peu d’argent, les trois SDF, originaires de pays du Maghreb, négociaient la vente de l’épave avec une famille de Roumains – le père, la mère et leur fils de bientôt 10 ans –, eux qui n’en pouvaient plus de passer leurs nuits sous les ponts.
C’est un contrôle de police qui a permis de reconstituer une chaîne de misère dont les Roumains représentent aujourd’hui à Marseille le dernier des maillons. Un récent régularisé qui reste en situation précaire, trois clandestins sans un sou et, encore en dessous, les ressortissants du pays le plus pauvre de la Communauté européenne, la Roumanie. Une tragédie de plus en plus ordinaire observée par les flics en premiers spectateurs.