Tout commence comme dans un roman d’espionnage. Nous sommes au début des années 50 dans une sordide chambrette du Village, au sud de Manhattan. Deux individus se font face. D’un côté, Carl Freyman, garçon doux aux faux airs d’intellectuel, un agent du FBI. De l’autre, se tient Morris Childs qui respire avec difficulté. Morris Childs est une légende du Parti communiste (PCUSA) qu’il a rejoint en 1919, à l’âge de dix-neuf ans. Envoyé à l’Université Lénine de Moscou en 1929, il tisse des liens avec les futurs grands dirigeants communistes de la planète. Ces amitiés-là, forgées durant les cours de sabotage du Komintern, sont indéfectibles. De retour aux Etats-Unis, Morris Childs continue son ascension au sein du PCUSA jusqu’à devenir, à la fin de la guerre, le rédacteur en chef de son quotidien, le Daily Worker. Mais en 1946, lors d’un voyage à Moscou, il perd la foi: trop de ses camarades ont disparu lors des purges staliniennes. Victime de crises cardiaques à répétition, Morris Child s’éloigne du Parti et, désormais malade, attend la mort.
D’où cette rencontre entre Carl Freyman et Morris Childs dans la petite piaule new-yorkaise. Le premier est l’un des meilleurs recruteurs d’informateurs du Bureau, le second ne demande qu’à se laisser convaincre. L’ex-communiste est-il prêt à renouer avec ses anciens contacts et à devenir une taupe au sein du PCUSA? Il répondrait oui sans hésiter, s’il n’avait ces problèmes de santé. Qu’à cela ne tienne. L’agent spécial contacte les meilleurs cardiologues du pays tout en priant pour que son supérieur n’y trouve rien à redire. Si son cœur venait à flancher, Morris Childs ne travaillerait pas pour le FBI, et pourrait même ne jamais rendre aucun service. Le Bureau, qui n’est pourtant pas réputé pour sa philanthropie, accepte de financer des soins onéreux à la clinique Mayo de Rochester, Minnesota, afin de sauver la vie de Morris Childs. Un problème se pose toutefois: comment Morris pourra-t-il expliquer aux camarades du Parti d’où vient l’argent consacré à ses soins? Sa famille organise une quête au sein du Parti en omettant de préciser que le plus gros contributeur en est le FBI…