Le FBI en guerre contre Martin Luther King (3/3)

Convaincu que Martin Luther King est entouré d’agents communistes, le FBI tente de faire pression sur le révérend et sur ses plus proches soutiens. Pendant ce temps, un funeste complot se trame dans l'ombre des alcôves du Bureau.

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Le cofondateur du mouvement des droits civiques, Ralph David Abernathy, aux côtés de Martin Luther King durant les marches pacifiques entre Selma et Montgomery de 1965. © DR

Martin Luther King est dans le collimateur des agents du FBI. Discrètement, ils ont placé des micros dans les endroits qu’il fréquente: ses bureaux, sa maison, ses chambres de motels… «A partir de janvier 1964, en l’espace de dix-sept mois, il y a eu quinze séries d’enregistrements distincts dans des hôtels où King séjournait, de New York à Milwaukee, Detroit, Washington, Sacramento et Honolulu», relate William C. Sullivan dans ses mémoires. Sullivan ajoute que Hoover tenait à écouter lui-même tous les enregistrements. Il n’allait pas être déçu. Le révérend était un homme à femmes. Circonstance aggravante pour l’époque, il n’hésitait pas à entraîner des femmes blanches dans ce qui apparaissait, aux yeux des pères, la pudeur du FBI, comme des «turpitudes». Quarante-cinq ans plus tard, Cartha DeLoach, l’ancien numéro trois du Bureau, en frémit encore: «Une telle conduite peut sembler incongrue de la part d’un leader qui affirme son autorité en tant qu’homme de Dieu. La promiscuité était telle que ceux qui étaient au courant s’interrogeaient sur la sincérité de sa foi chrétienne.» Quelle a été la réaction de J. Edgar Hoover à l’annonce des «exploits sexuels prodigieux» du révérend? «Il a plissé les yeux et serré les lèvres, se souvient DeLoach. Il était très strict en la matière, et voyait dans le sexe hors mariage une preuve de dégénérescence morale.» Hoover croit tenir sa vengeance. Il charge William C. Sullivan, responsable de la division Domestic Intelligence (Renseignement intérieur), d’une mission très spéciale. «Hoover nous a donné l’ordre de mettre les enregistrements effectués dans les chambres d’hôtel de King à la disposition de la presse, de certains parlementaires et du président Johnson», raconte Sullivan. Sous le manteau, des agents du FBI proposent à des journalistes de grands quotidiens américains quelques morceaux choisis des exploits du leader. Ils offrent aussi un cliché où l’on voit King sortir d’un motel en compagnie d’une femme blanche. A l’époque, dans certains Etats du Sud, il n’en fallait pas davantage pour être lynché. Le FBI fait pression sur les dirigeants religieux afin qu’ils «lâchent» Martin Luther King. La Maison-Blanche et le département de la Justice sont bombardés de rapports truffés de fausses informations sur «le communisme et le mouvement nègre». Hoover félicite ses agents pour leur «imagination agressive». En juin 1964, une unité spéciale permanente est chargée de centraliser toute l’information relative à Martin Luther King. Elle va avoir du grain à moudre.

Au début de l’été, le pape accepte de recevoir Martin Luther King. Le Bureau contacte un allié fidèle, le cardinal de New York, Francis Spellman. Il lui demande de faire son possible pour que «le Pape ne soit pas embarrassé» par un contact avec Martin Luther King. «Pensant que ce n’était pas assez, poursuit William C. Sullivan, le FBI envoie des informations désobligeantes sur King au souverain pontife.» La rencontre a quand même lieu. Hoover se dit atterré qu’une audience ait été accordée à un «tel dégénéré». Il ne se calme pas davantage quand il apprend l’attribution du Prix Nobel de la paix à Martin Luther King, le 14 octobre 1964. Mais que peut-il faire, sinon mettre en garde tous les officiels américains (ambassadeurs, hommes politiques) censés rencontrer le dirigeant noir avant, pendant ou après la remise du prix? Le patron du FBI leur adresse même un rapport intitulé «Martin Luther King Jr.» qui détaille sa conduite personnelle. Un vrai catalogue de ragots, selon les dires des historiens.

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