La Garde pontificale corse oubliée (1/6)

© DR
Le quartier de Trastevere, à Rome.

Le 20 août 1662, Giovanni Battista succombe à ses blessures, celles infligées par des gardes de l’ambassadeur de France au Vatican, le duc Charles III de Créquy, cousin de Louis XIV. Ainsi commence l'histoire des démêlés entre la cour du Roi Soleil avec celle de Rome qui mettront fin à la séculaire Garde pontificale corse.

Le dimanche 20 août 1662, à l’heure légèrement passée de la relève de la garde de la caserne de la Trinità dei Pellegrini, le capitaine Savelli poussait la porte d’une auberge du Trastevere, un quartier central de Rome, suivi des hommes de sa compagnie. Dans l’établissement encore calme se disputaient les odeurs des marmites du soir avec les fragrances de bois, des meubles, planchers et charpentes parfaitement entretenues. Et s’il n’y avait pas eu ces éclats clairs des épées et des arquebuses déposées sur les tables du fond, l’ambiance n’aurait laissé penser à rien de fâcheux. 

L’entrée de la caserne dans l’ombre de la rue étroite se voyait par la petite fenêtre où apparaissait et disparaissait en cadence un garde casqué d’un morion en acier, flanqué d’une épée au côté et une lourde arquebuse entre les mains; les inhabituelles entrées et sorties trahissaient une tension qui venait de pénétrer dans l’auberge avec une partie de la compagnie du capitaine Savelli dont chacun attendait désormais la prise de parole décisive. Pietro de Montemaggiore, Carlo d’Ampugnano, Paolo Maria Pozzi di Borgo et Andréa Crovero étaient les plus attentifs. 

Seuls quelques commerçants patientant dans un coin pour leur dîner continuaient à discuter dans un dialecte proche du toscan avec cet accent rude spécifique au peuple de montagnards que sont les Corses. La solennité grave de leur capitaine avait imposé à ses hommes, autour d’une longue table, une sorte de silence nerveux, car on ne pouvait se défendre d’une certaine fureur en imaginant ce qui avait pu advenir à leur compagnon dans l’après-midi. Cette fureur devint vengeresse lorsque l’officier annonça brusquement la mort de Giovanni Battista, de ses blessures, celles infligées par des gardes de l’ambassadeur de France, le duc de Créquy.

Quelques heures auparavant, le matin à la sortie de la messe, les épées avaient été tirées dans le quartier du Trastevere après que les soldats français aient lancé aux deux gardes corses, Domenico de Rogliano et Giovanni Battista, le garçon de Calenzana, village des hauteurs de la côte occidentale du nord de la Corse, qu’ils étaient «des espions du pape». Les deux hommes furent roués de coups et laissés pour mort, avant que celui qui allait survivre ne balbutie des mots incohérents parmi lesquels ses compagnons distinguèrent «lu francese». Les Français. Le capitaine Savelli n’avait pas eu besoin de plus d’information pour comprendre que ceux avec qui les dissensions étaient plus fortes de jour en jour avaient choisi l’irréparable.

Les incidents s’étaient multipliés depuis le mois de mai 1662 et l’arrivée du nouvel ambassadeur «extraordinaire» du roi Louis XIV, son propre cousin le duc Charles III de Créquy qui fit une entrée grandiloquente, accompagné de 80 carrosses jusqu’au prestigieux palais Farnèse juste en face du Trastevere, le quartier des gardes corses. Le 11 juin marqua le premier heurt d’importance quand, escorté de ses 200 gardes armés, le diplomate s’en fut au Vatican quérir les hommages du pape Alexandre VII en tant que haut représentant du roi Soleil. Sous les ordres du cardinal Pallavicino, la Garde corse forte de plus de 600 hommes formait alors avec ses deux tiers une ligne de défense autour de la résidence du souverain pontife après s’être lourdement équipée dans leur armurerie fournie d’arquebuses destructrices et de hallebardes imposantes. L’ambassadeur français avait rebroussé chemin pour aller protester auprès du secrétaire d’Etat pontifical, le cardinal Rospigliosi tout en envoyant un messager remonter sa colère auprès du trône de France.

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