Puisqu’ils n’ont pas vraiment accès aux archives du Vatican, Iviu Pasquali et les siens tirent le meilleur de celles de Bastia. Le docteur Mattei, un médecin corse du pape y a légué le siècle dernier sa riche bibliothèque et déjà quelques décennies plus tôt deux autres médecins passionnés d’histoire en avaient fait autant. Il y a aussi dans le petit village de Corbara, vers Calvi en Haute-Corse, derrière un enchevêtrement d’escaliers tout près de l’église d'A Nunziata, une petite flèche où a été peinte l’inscription «musée», qui mène aux collections privées de Guy Savelli, descendant du capitaine Savelli de la Garde corse du pape, dont huit hommes avaient déserté vers l’île de Beauté le 22 août 1662, deux jours après ce qui fût nommé «l’affaire des gardes corses».
La première lettre au roi Louis XIV du duc de Créquy raconte sur dix pages l’évènement et son contexte délétère. L’ambassadeur souligne le mépris du pape à son égard sans aller jusqu’à l’accuser de complicité avec ses gardes corses sur qui il fait entièrement peser la responsabilité de «l’assassinat» dont il assure avoir été victime. Dans le langage du Palais, «l’assassinat» désigne les «mauvais traitements et insultes qui ont été faits à quelqu'un à main armée, et avec avantage, quoy que la mort ne s'en soit pas ensuivie».
Guy Savelli possède aussi des courriers de son ancêtre, des échanges avec des émissaires du pape, des documents techniques et une multitude de pièces qui fourniront un puzzle d’autant plus complexe à assembler qu’il reste incomplet. Des documents ainsi regroupés ressortent quelques informations, dont la liste de quatre des huit déserteurs: Pietro de Montemaggiore, Carlo d’Ampugnano, Paolo Maria Pozzo di Borgo et Andrea Corvo. Curiosité généalogique, Andrea Corvo, l’auteur du coup de feu mortel sur le page Bertaud, est le quatrième aïeul de Napoléon Bonaparte. Son retour sur l’île pour fuir les Français mit sa lignée, quatre générations plus tard, sur la naissance d’un empereur français.