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Les tupperwares sont souvent utilisés comme coffres à trésor par les géocacheurs. A l'intérieur, des bibelots sans valeur ainsi qu'un registre que signent les chercheurs pour prouver leur trouvaille. © DR

A la recherche de la cache perdue

Smartphone à la main, chaussures de randonnée aux pieds, les géocacheurs incarnent la version contemporaine des chasseurs de trésors. En Suisse, ils sont quelques milliers à parcourir le pays à la recherche de coffres remplis de bibelots sans valeur. Juste pour le plaisir de les trouver.

Dans la périphérie de Fribourg, à une dizaine de minutes en voiture du centre-ville, une Mazda noire marque un arrêt sur un parking résidentiel. Une jeune femme aux cheveux ondulés châtain clair s’en extirpe et court se mettre à l'abri sous les escaliers d'une barre d’immeubles en préfabriqué. La pluie froide qui tombe à verse ne semble pas gêner son compagnon qui, lui, prend tout son temps pour verrouiller le véhicule avant de la rejoindre. Emmitouflé dans leur parka, lunettes de vue vissées sur le nez, le couple scrute le ciel gris. Je les rejoins. Nous nous saluons rapidement, puis montons dans la voiture. La température y est nettement plus agréable qu’à l’extérieur, et je suis confortablement installé sur la banquette arrière. Hélène, qui vient de prendre place sur le siège passager, allume son téléphone et communique à Alain une série de chiffres, «N 46° 34.743 E 007° 03.945», qu’il s’empresse d’entrer dans le navigateur GPS. Contact. C’est parti. «Aujourd’hui, c’est le permis bateau qu’il faudrait», plaisante le conducteur d’une voix nasillarde. Notre destination s’affiche à l’écran: Gruyères.

Il est à peine dix heures du matin. Hélène et Alain ont déjà roulé une heure pour venir me chercher. Leurs traits sont tirés, les yeux cernés. La veille, ils ont participé au souper de l'entreprise allemande dans laquelle travaille Alain en tant que technicien en automation. Apparemment, la fatigue n’affecte pas leur bonne humeur tant ils sont diserts sur cette soirée. Après une demi-heure de route, nous nous arrêtons sur une aire de pique-nique déserte. Dans notre dos, quelques voitures filent à toute allure en direction du Moléson. «Bon, allez, on s’équipe!» ordonne Alain en pointant son menton rond cerclé d'une barbe fraîchement rasée. Sous un parapluie à l’effigie de Snoopy, il lit à voix haute et l’air pensif ces quelques lignes sur son smartphone: «Entre feu et eau, cherchez l’endroit qui combine les deux éléments…» Hormis une grande maison en bois sombre de l’autre côté de la route, l'endroit est désolé. Jouxtant le parking, une petite forêt de conifères et de feuillus dégarnis attire le regard du couple qui décide d’y pénétrer. Nous marchons lentement, prudemment, sur le sol irrégulier jonché de feuilles mortes, de lichens et de rochers. «Ici, l’eau», s’exclame Hélène en découvrant un pont sous lequel coule un ruisseau. «Ça devrait être par là…» grommelle son compagnon qui s'est accroupi pour déplacer des petites pierres et balayer les feuilles. Soudain, son bras disparaît dans un trou. Bingo! Il en sort un contenant hermétique en plastique blanc, style Tupperware, dont il extrait un cahier bleu. Un sourire de satisfaction illumine leur visage. Hélène y note la date du jour et les mots «Astrancia» et «Alinternet», leur pseudonyme. Alain m'explique que c'est ainsi que les géocacheurs valident leurs trouvailles, en signant le logbook, le registre des visites. La boîte est ensuite remise dans sa cachette, les feuilles et les pierres replacées à l'identique.

Pas moins de trois millions de ces écrins sont dissimulés un peu partout dans le monde. Tous portent un nom distinct: «La psychédélique Toulousaine», «Ghost of winti night», «Ne bois pas l’eau» ou «Au coin du feu» comme celui découvert en quelques minutes à peine par notre couple de Valaisans. Alain, qui s'est lancé en dilettante dans le géocaching en 2009 avant de s'y investir sérieusement trois ans plus tard quand il a rencontré sa future compagne, n’est pas peu fier. Il attribue sa performance à son œil d’expert. Le duo d’amoureux a déjà déniché plus de 6'000 «trésors». «Tout a commencé le 1er mai 2000, quand Bill Clinton a autorisé l’utilisation du géopositionnement par satellite (GPS) à trois mètres, me raconte ce passionné de high-tech. Avant, la technologie existait, mais le gouvernement américain brouillait intentionnellement les signaux, sauf pour les usages militaires, ce qui la rendait peu précise. Des habitants de l’Oregon ont saisi l’occasion pour organiser des chasses au trésor et c'est ainsi que les premières géocaches ont vu le jour dans les environs de Portland. La ville elle-même est devenue un lieu de pèlerinage pour les adeptes de ce loisir.» Pas étonnant dès lors qu'on y trouve les serveurs du site de référence dans le domaine, geocaching.com. Développé par la société Groundspeak et basé sur un système d’abonnement freemium (l'inscription et les premiers accès sont gratuits, mais certaines caches ne sont accessibles que sur abonnement, ndlr), ce site répertorie des millions de planques dissimulées dans plus de 200 pays, dont une dans l’ISS, la Station spatiale internationale, et compte environ six millions d’utilisateurs.

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