Une jeunesse à l'eau de rose (1/5)

© Keystone / Martial Trezzini
Le 19 octobre 2022, Tariq Ramadan arrive au palais de justice de Genève pour l'ouverture du procès où il a porté plainte contre Ian Hamel pour calomnie et diffamation. Lequel sera acquitté, le tribunal estimant que le journaliste du Point était de bonne foi en évoquant des relations sexuelles avec des élèves. 

Ian Hamel a écrit plusieurs livres sur Tariq Ramadan, amassant une documentation pléthorique et toujours sourcée. Dans cet extrait de «Tariq Ramadan, une imposture» (Flammarion), il évoque l’enfance, la vie familiale et intime d’un personnage méticuleusement fabriqué.

Depuis l'installation à Genève, la famille Ramadan s'est agrandie. Avec la naissance de Hani le 2 juin 1959, et celle de Tariq le 26 août 1962. C'est le petit dernier. Il raconte que son père a donné à chacun de ses enfants un «nom symbole». Pour Tariq, la référence est Tariq Ibn Ziyad, le chef musulman qui conquit l'Espagne au VIIsiècle et laissa son nom à Gibraltar (Djebel Tariq). Dans sa jeunesse, l'exilé d'origine égyptienne est un passionné de ballon rond. Il joue au Star Sécheron, à l'Interstar, à Collex-Bossy, puis au FC Perly, des clubs amateurs du canton de Genève. Milieu de terrain, il passe entraîneur, sans lâcher sa place au milieu des autres joueurs. Une photo parue en 2004 dans Le Nouvel Observateur le montre souriant au dernier rang de l'équipe de Perly, en maillot blanc rayé de rouge, parmi les plus grands par la taille (il mesure 1,85 mètre). «C'était un bon joueur, solide, discipliné, qui n'hésitait pas à mettre les autres en valeur. Tariq s'entendait avec tout le monde», se souvient Pierre-Yves Liniger, qui l'a connu sur les terrains de sport. «Il envisage même de devenir joueur professionnel. Mais son histoire est plus forte que son attachement à une petite boule de cuir», écrit Serge Raffy, du Nouvel Observateur, dans une grande enquête de huit pages, plutôt bienveillante, mais nullement complaisante, qu'il consacre au prédicateur en 2004. «Après la publication de mon article, Tariq Ramadan m'a laissé un message très dur, agressif, menaçant, comme si je l'avais trahi. Il a même écrit une lettre à Jean Daniel, le directeur du Nouvel Observateur», se souvient le journaliste.

Rien de bien étonnant. Aucun reportage ne trouve grâce aux yeux du petit-fils d'Hassan al-Banna. A l'en croire, tous les journalistes seraient des incompétents, des vendus et des malhonnêtes. Et, bien évidemment, des «sionistes notoires». Une journaliste s'est même fait traiter de... «vicieuse». Tariq Ramadan passe parfois jusqu'à une demi-heure sur les réseaux sociaux pour dénigrer ligne par ligne une enquête qui lui est consacrée. Il utilise pour cela des formules chocs, comptabilisant soi-disant 222, 333 ou 444 erreurs. Dans son livre Devoir de vérité, paru après son incarcération, il multiplie les attaques contre cette profession. Une consœur est dénoncée pour «ses écarts fréquents vis-à-vis de la vérité», un autre pour son absence de «rigueur déontologique». Deux autres ne sont que des «journalistes approximatifs». Enfin, un cinquième «ne brille pas non plus par son honnêteté intellectuelle». Dans un article intitulé Des journalistes et de quelques frères humains, paru sur le site Oumma.com en mars 2004, le Genevois énumère «pas moins de 22 contrevérités et d'erreurs factuelles (sans compter les encadrés qui rivalisent de mensonges)!» dans l'article de Serge Raffy, qualifié de «journaliste sans scrupule». Les autres médias ne sont pas mieux traités: «de multiples articles dans LibérationLe Figaro MagazineL'HumanitéLe Temps ou L'Hebdo (en Suisse) foisonnent d'erreurs sur les faits, les dates et les citations. De nombreux journalistes se citent mutuellement, empruntent, répètent, à la limite du "copier-coller"... sans vérifier les sources et les données (certifiées puisque partout répétées)».

La manœuvre est facile à comprendre: Tariq Ramadan cherche à discréditer la presque totalité des journalistes aux yeux de ses partisans, afin que ces derniers mettent systématiquement en doute ce que peuvent écrire ou dire les médias. Même lorsqu'il s'agit de faits incontestables. Certains ramadanistes sont allés jusqu'à nier sur les réseaux sociaux la mise en examen de Tariq Ramadan en Suisse. Alors que l'information avait été donnée par le palais de justice de Genève. Sa stratégie consiste à persuader ses partisans que l'Occident est islamophobe et que les kuffar (les infidèles) le redoutent car ils craignent sa très vive intelligence. Tariq Ramadan tente de se faire passer pour celui qui mène de «féroces batailles intellectuelles et médiatiques contre les intellectuels, les médias, les politiciens les plus célèbres». Lui-même écrit sans modestie: «Et si, dans cet environnement propice, ma chute pouvait arranger ces politiques que je gênais tant? Et si ma parole publique, alors que j'appartiens aux peuples arabes des anciens colonisés, perturbait le rapport de domination depuis si longtemps établi?»

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