Hamel Ramadan Hamel Ramadan
Tariq Ramadan en décembre 2017, peu avant son placement en détention provisoire. © DR

A la conquête des Minguettes (3/5)

Dans cet extrait de «Tariq Ramadan, une imposture» (Flammarion), Ian Hamel décrit la manière dont Tariq Ramadan décline ses ambiguïtés et module son discours en fonction de l’interlocuteur. Il est aussi question des déboires suisses du prédicateur, et de la façon très habile avec laquelle il se lance à la conquête de la France et de ses institutions musulmanes.

Le Foyer culturel musulman (FCM) mène une intense activité, non seulement à Genève, mais aussi en direction de la France voisine. Il adresse en août 1993 des courriers dans les préfectures de l'Ain, du Doubs, du Jura, de la Haute-Savoie, de la Savoie, afin de connaître le nombre de musulmans, la répartition de musulmans par domaines d'activité, le nombre de musulmans convertis, le nombre de réfugiés musulmans. Dans un autre courrier, le FCM souligne que «les musulmans d'Europe sont en train de former une communauté qu'elles [les institutions gouvernementales européennes] ne pourront plus négliger dans l'accession à ses droits». Tariq Ramadan se sent un peu à l'étroit sur les bords du lac Léman, il décide de partir à la conquête de l'Hexagone, en commençant par la région Rhône-Alpes. «C'est d'abord Hani Ramadan qui est venu à notre rencontre. Nous l'avions invité en 1987 et 1988 pour la première conférence de l'Union des jeunes musulmans (UJM). Créée en 1987, l'UJM réalisait un énorme boulot pour aider les petits frères. Cours de soutien, bibliothèques, activités sportives, ouverture de Tawhid, librairie et maison d'édition. Nous défendions un islam progressiste, venant moi-même de Lutte ouvrière. Tariq Ramadan est arrivé ensuite. Nous lui avons fait découvrir les barres d'immeubles, la banlieue, la laïcité à la française», se souvient Abdelaziz Chaambi, l'un des premiers, avec Yamin Makri, à avoir ouvert la route à Tariq Ramadan en France. Dans un autre entretien, Abdelaziz Chaambi avait eu cette jolie formule: «On a bénéficié de ses connaissances religieuses et il s'est imbibé de notre connaissance des banlieues, et des problématiques de l'immigration et des quartiers.» Depuis de nombreuses années, le responsable de la Coordination contre le racisme et l'islamophobie (CRI) a rompu avec le prédicateur.

En 2004, lors de la rédaction de ma première biographie, j'avais rencontré Yamin Makri, qui, lui, est resté lié à Tariq Ramadan jusqu'à ce qu'éclate l'affaire. Depuis, il a pris ses distances avec le prédicateur. «Ce qu'il disait, nous le disons depuis cinq ans. Mais Tariq le formulait mieux que nous. Il avait une vision qui s'exprimait à travers un discours beaucoup plus profond, plus conceptualisé, plus clair, plus audible que le nôtre», se souvenait le responsable des éditions Tawhid à Lyon. Celles-ci ont longtemps gagné de l'argent grâce aux cassettes audio et aux livres du prédicateur. «Nous avons dans notre catalogue plus d'une centaine de cassettes audio de Tariq Ramadan. Lors de leurs parutions, il s'en vend 30’000 à 40’000 exemplaires par an», m'expliquait en 2004 Yamin Makri. Depuis, le petit-fils d'Hassan al-Banna s'est tourné vers d'autres maisons d'édition, moins connotées «musulmanes», les Presses du Châtelet et Don Quichotte Editions. Depuis les aveux de Tariq Ramadan sur ses relations extraconjugales, toutes ses œuvres ont disparu des rayons de la librairie Tawhid à Lyon. Même son nom a été gommé sur le site de cette maison d'édition.

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