Ce fut une illustre épopée… (2/3)

© Hong Kong Museum of Art
View of the Canton Factories (Vue des fabriques de Canton), William Daniell, 1805.

Idéalement située dans l’estuaire de la rivière des Perles, l’île sur laquelle fut bâtie Hong Kong était convoitée par les puissances maritimes occidentales depuis le XVIe siècle. Pour s’en emparer, les Anglais déclarèrent une guerre inégale contre l’empire du Milieu, qui la lui concéda sous la menace.

Au milieu du XVIIIe siècle, les Hollandais avaient perdu toute suprématie en Extrême-Orient. Face à eux, les Chinois n’avaient plus que les Anglais, dont les ambitions, arc-boutées sur l’Inde, faisaient peser une menace sur l’Asie tout entière. N’ayant pu concrétiser leurs intentions d'ouvrir de nouveaux comptoirs à Canton, qui demeurait le seul accès possible à l’empire et à son marché de trois cents millions d’habitants, ils brandirent la menace militaire. Renforcée par l’éviction de ses concurrentes européennes, la Compagnie britannique des Indes orientales, appuyée par son gouvernement, se lança dans une entreprise d’expansion commerciale soutenue par la bourgeoisie industrielle et financière. Il en résulta une «dérégulation» qui excita les convoitises et la priva peu à peu de son monopole.

Au début des années 1800, d’innombrables maisons de commerce trafiquaient directement avec des intermédiaires chinois, secondés par un nombre croissant de particuliers qui violaient allègrement les règles édictées par Pékin. C’est à cette époque que retentirent les premiers coups de canon sur la rivière des Perles. «Profitons de l’anarchie, tant qu’elle nous sert!» entendait-on proclamer jusqu’aux Communes. L’Angleterre qui importait de Chine d’énormes quantités de marchandises commençait à craindre pour sa balance des paiements. «Qu’allons-nous faire des immenses quantités de pavot que nous produisons dans nos colonies du Bengale?» enchérissaient les députés de la droite. «Il nous faut rapidement de nouveaux débouchés!» De telles plaidoiries n’allaient pas rester lettre morte et c’est en termes à peine voilés que l’on résolut la question. «Utilisons l’opium indien comme monnaie d’échange…» La réponse avait été brandie comme un glaive. Quelques voix s’élevèrent pour calmer le débat, mais la cause était entendue. «Il en va de notre économie!» scanda la majorité des représentants du peuple, plus précisément des représentants du grand capital dont l’essor outre-mer était la principale préoccupation. En rendant les Chinois dépendants d’une drogue dont l’importation était, jusque-là, limitée par les autorités impériales, on misait sur un avenir radieux. La concrétisation de ce plan allait prendre un demi-siècle et se conclure par une mainmise de type colonial.

Toute une société se formera bientôt tout le long de la rivière des Perles, où les Chinois des provinces voisines viendront chercher du travail auprès des «barbares au long nez». D’une certaine manière, la population locale cautionnera la présence étrangère en lui offrant une main-d’œuvre inespérée. D’étranges habitations flottantes «munies d’une cheminée, de quelques fenêtres et d’une véranda fleurie» - selon la description qu’en firent plusieurs témoins - seront amarrées à des pontons servant de dépôt provisoire. Ces bateaux, dits «de réception», stockeront l’opium anglais jusqu’à ce que d’autres navires appelés «mille-pattes» viennent en prendre possession. Une fois aux mains des Chinois, les balles de pavot gagneront des points discrets de la côte où des agents locaux transformeront la marchandise avant de l’expédier jusque dans les régions les plus reculées de l’empire. Cette collaboration plus ou moins légale fonctionnera tant que le partenariat satisfera les deux parties. Mais le 7 juillet 1839, un évènement d’apparence mineur mit le feu aux poudres. Au cours d’une rixe, un villageois fut accidentellement tué par des marins anglais stationnés dans le port aux parfums, qui faisait face à l’embouchure de la rivière des Perles. En pareil cas, les coupables devaient être déférés devant un juge chinois, mais le capitaine Charles Elliot, alors surintendant de la Compagnie des Indes, refusa de soumettre un compatriote à cette règle de justice. «L’Angleterre est maîtresse chez elle!» dira-t-il sans qu’il mesure un instant la portée politique de ses paroles. Pour étouffer l’affaire, il voulut indemniser la famille de la victime et payer les fonctionnaires locaux pour qu’ils classent l’incident. Ayant eu vent de cette tentative de corruption, Lin Tse-hsu, vice-roi de Canton, exigea que les étrangers reconnaissent officiellement les lois de son pays. Pour appuyer son autorité, Lin demanda au gouverneur portugais de Macao d’intervenir auprès des Anglais pour qu’ils lui livrent le contrevenant et que justice soit rendue. Prévenu de cette démarche, le capitaine Elliot regroupa la communauté britannique dans la baie de Hong Kong où la majorité des familles de négociants fut placée sous sa protection. L’affaire prenait des proportions inattendues qui exacerbèrent les tensions, déjà palpables en raison des libéralités prises par la Compagnie. Et quand la flotte chinoise se présenta pour faire respecter le droit, le vice-roi, constatant que les Anglais s’étaient réfugiés sur l’îlot de Hong Kong, en ordonna le blocus.

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