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Illustration représentant les conflits religieux, politiques et sociaux en Irak, auteur inconnu.© DR

La malédiction irakienne

Depuis la haute Antiquité, les aléas de la géopolitique ont fait de la Mésopotamie l'un des territoires les plus disputés de la planète. Un malheur chronique dont les écrivains du pays s'inspirent, avec une ironie sombre.

Le choc des épées IV: le titre évoque un film de série Z en costumes d’époque. Mais les horreurs que raconte ce documentaire d’une heure, émanation de la branche communication d’un groupe djihadiste sunnite qui s’est baptisé l’Etat islamique, ne relèvent pas de l’heroic fantasy. Les meurtres n’y sont que trop réels.

Les yeux rivés sur le canon d’une mitrailleuse pointant à l’arrière d’un 4x4, ce sont de vrais impacts que nous voyons arroser le flanc de la BMW blanche qui roule sur la file d’à côté, pulvérisant les vitres, criblant vraisemblablement de balles les passagers, expédiant à coup sûr le véhicule dans le fossé qui borde cette morne section d’autoroute irakienne. Et c’est un véritable commando de tueurs effectuant un raid de nuit au domicile d’un «collaborateur» que nous suivons. Nous sommes témoins quand les djihadistes capturent l’homme, corpulent, la cinquantaine, avant de lui bander les yeux et de l’humilier; puis lorsqu'ils le décapitent, acte qui exige du tueur muni du couteau qu’il saute sur la victime pour la chevaucher. Car le cameraman chaperonne toujours ce couple incongru qui chancelle à travers la chambre. Le film nous épargne les derniers moments sanguinolents en zoomant tout droit sur la tête moustachue dûment coupée, exposée sur le lit.

Le documentaire égrène aussi les scènes d’exécutions de masse: c’est une rangée d’hommes attachés, à genoux, tués d’une balle dans la nuque; ce sont d’autres Irakiens, mitraillés alors qu’ils sont déjà étendus dans leur tombe. Une partie de tout ceci est filmée au ralenti. Dans l’une des séquences les plus glaçantes, nous observons une autre équipe de tueurs en charge d’un faux checkpoint. Vêtus d’une tenue de combat de style américain, ils se font passer pour une unité d’élite de l’armée irakienne et arrêtent les voitures, pour comparer le nom de leurs occupants à la base de données figurant sur leur ordinateur portable. Certains sont alors invités à circuler d’un signe de la main; d’autres, moins chanceux, poliment engagés à sortir du véhicule pour une vérification plus poussée. La caméra sur leurs talons, ils sont conduits dans un champ attenant et abattus.

L’Etat islamique – qui était connu jusqu’en juin 2014 sous le nom d’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL ou Daech, selon l’acronyme arabe) – n’est pas célèbre seulement parce qu'il représente l’un des éléments les plus impitoyables et les plus efficaces du ramassis hétéroclite des milices irakiennes, réputation qu’il a exportée depuis 2012 dans le pays voisin, en s’immisçant dans la guerre civile syrienne. Daech est aussi, sur chacun de ces théâtres, le groupe le plus rompu aux techniques de propagande. Des films comme la série du Choc des épées lui ont permis de recruter à travers le monde un nombre inédit de candidats au djihad. En outre, à la différence des autres acteurs, la milice n’a pas seulement pour ambition de défendre une cause, mais aussi de s’emparer de territoires, de les tenir et d’y établir un Etat à part entière.

En juin 2014, le groupe a pris la seconde ville d’Irak, Mossoul, empochant à l’occasion un stock d’armes et un énorme butin. Après quoi il a lancé, rejoint par d’autres insurgés sunnites, une vaste offensive sur Bagdad. Puis étendu sa présence à la fois dans le nord de l’Irak et dans l’est de la Syrie, annexant au passage des factions concurrentes et des milices locales, ou les obligeant à se soumettre. Daech a mis au défi et, parfois, en déroute les peshmerga du Kurdistan irakien, des troupes très aguerries mais au rayon d’action limité. Les 10'000 à 20'000 membres armés qu'aurait compté l’Etat islamique ont contrôlé en septembre 2014 une région grande comme le Royaume-Uni avec la population du Danemark. Le leader de l’organisation, Abou Bakr al-Baghdadi, ancien étudiant en théologie, s'est donné le titre de calife, qui signifie littéralement «successeur» du prophète Mahomet.

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