Aux origines de la République d’Irlande

En 1920, l’écrivain-voyageur Joseph Kessel réalise son premier reportage en Irlande alors en lutte pour son indépendance et assiste aux prémices de la fin de l’Empire britannique tout-puissant. Un demi-siècle plus tard, le sociologue suisse Werner Haug a voyagé le long de la côte atlantique, de Derry en Irlande du Nord à Cork, dans le sud-ouest, en passant par Sligo, Galway et Limerick. Il a également passé du temps à Dublin, la capitale de la République d’Irlande avec l’intention d’esquisser un portrait photographique de ce pays à un tournant de son histoire, celle de son adhésion à la Communauté européenne. Regards croisés.

Irlande Kessel Haug Irlande Kessel Haug
Logements sociaux au nord de la rivière Liffey à Sean McDermott street à Dublin, capitale de la République d’Irlande reconnue par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord depuis 1949. © Werner Haug

Le crachin coutumier semblait hésiter au fond du ciel tout frémissant de nuages fins. Le soleil d’un automne doux et humide perçait les nuées de ses rayons. Cette lumière diffuse embellissait les vieux palais royaux, chauffait la verdure des parcs, jouait sur la Tamise large et sombre. Et la prison de Brixton elle-même y puisait une gaieté factice. La prison qui, dans ses murailles de briques grises enfermait l’agonie volontaire de Terence Mac Swiney, lord-maire de Cork. Ce matin, sous l’œil paisible de deux hauts policemen, aux brisques en éventail, qui devisaient devant une cantine où une jeune femme vendait cigarettes et douceurs, j’ai essayé de pénétrer à l’intérieur du bâtiment massif. Un gardien enroué m’en a barré le seuil. Il m’a dit simplement:
– Le lord-maire n’est pas près de mourir encore.

Puis, sans commentaires, il a refermé la lourde porte. Cependant, parmi ces briques grises, dressées au fond d’une petite rue de Londres, se jouait un drame qui passionnait l’Angleterre et le monde. Dans l'une des cellules de la prison s’épuisait chaque instant davantage un homme qui, depuis plus de vingt-cinq jours, refusait de prendre la moindre nourriture. Il se laissait mourir pour vivre jusqu’au bout selon son idéal. Une sorte de torche se consumait ainsi, qui servait de flambeau à toute l’Irlande révoltée. Par son obstination farouche, par son suicide lent et délibéré, Terence Mac Swiney, lord-maire de Cork, était devenu un symbole. Faible à défaillir, inerte et sans voix, il criait du fond de sa cellule dont il était décidé à faire son sépulcre, il criait la passion de l’Irlande tout entière. Cette Irlande en rébellion à laquelle il avait consacré son existence.

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