Little Manilla, un autre visage d’Israël

© Johanna Geron

Loin de leurs îles natales, des immigrants philippins, dont un tiers sont en situation illégale, ont recréé dans l’ombre de Tel-Aviv leur communauté d’origine. Discrète, presque silencieuse, travaillant dur et sans faire de vagues, elle serait presque considérée comme une force pour l’Etat hébreu.

Samedi, jour du shabbat, la station centrale de Tel-Aviv est comme à l'accoutumée déserte et calme, presque fantomatique. En nous apercevant, le garde à l’entrée de ce monstre de béton rougeâtre, réalisé par l'architecte israélien Ram Kami, ouvre de grands yeux incrédules: «Que faites-vous là? C’est fermé.» Pas tout à fait, mais il n’a pas l’habitude de voir des «civils» durant le week-end. Les jours ouvrables, des centaines de bus desservant tout le pays transitent par la Tahana Merkazit. Plus de 80'000 personnes arpentent quotidiennement ses 230'000 m² répartis sur sept niveaux desservis par 29 escalateurs et 13 ascenseurs. Jusqu’en 2010, ce véritable labyrinthe qui s’étire le long de la rue Levisnky au sud de la ville était considéré comme la plus grande gare routière du monde, avant d’être détrônée par le Millennium Park Bus Depot de New Delhi. Au quatrième étage, à l’écart des regards curieux, le cœur d’une autre cité palpite. Bienvenue dans «Little Manilla» où pour 2 euros, on repart avec sa barquette de porc, et où le filipino a détrôné l'hébreu.

Enseignes en tagalog, restaurants et supermarchés débordants de produits importés, on s'y croirait presque. Sur les sièges en plastique où les Israéliens attendent habituellement leur bus, deux femmes ont improvisé un salon d’esthétique et vernissent les ongles des pieds pour 25 shekels (quelque 7 francs). Le néon rouge du Manila Kamayan Mini Market clignote pour appâter le chaland. Inutile tant le supermarché est plein à craquer. Il faut suivre une allée descendante, sale et sombre pour se retrouver de l’autre côté de ce marché philippin. En contrebas brillent des étals de fruits et de légumes exotiques qu’on peine à trouver au centre-ville. Les papayes et les melons verts sont éclatants, lisses, brillants. Ici, des beignets de bananes frits luisent d’huile dans leurs barquettes en aluminium; là, sur les comptoirs près des caisses, des beignets au porc et à la patate douce à la vapeur sont alignés dans leurs paniers en bambou; là-bas, des piles de Tupperwares en équilibre incertain débordent de nouilles sautées. Le fumet de la soupe de haricots rouge mungo qui prend au nez tant elle est épicée se mélange à celui du batchoy, une soupe de nouilles aux abats de porc, typique de la ville de La Paz, et aux effluves des brochettes de bœuf.  

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