Au Japon, la baleine envers et contre tout

Si les Japonais ne mangent quasiment plus de baleine, près de 80% de la population reste en faveur de sa chasse. Le sort du cétacé déchaîne tant les passions que le dialogue entre les pro et les antipêche est aujourd'hui rompu. Mais pourquoi les Japonais tiennent-ils autant à conserver la baleine dans leur assiette alors qu'ils n'ont plus envie d'en manger?

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Kubo Konobu, membre de l'association japonaise de chasse à la baleine, mange dans un restaurant spécialisé dans les mets à base de viande du cétacé.© Jérémie Souteyrat

Dans le quartier d’affaires de Kanda, à Tokyo, il est presque midi et les employés en costume cravate quittent leurs bureaux pour aller déjeuner. Là, au pied de ce petit escalier qui mène dans la salle sombre d’un restaurant, on vient manger un mets qu’il est relativement rare de trouver dans la capitale. Attablés, quelques salarymen donc. Mais aussi deux femmes seules qui consultent frénétiquement leurs smartphones et un ado, écouteurs vissés sur les oreilles. Derrière le comptoir, le chef et gérant des lieux, Tani Mitsuo, s’apprête à servir la spécialité de son restaurant: le steak de baleine.

Son établissement, Ichinotani, ne propose que du cétacé. Grillé, cru en sashimi ou en portions frites. Après avoir tenu 25 ans un restaurant de poissons à Sendai, dans le nord-est de l’archipel, il a ouvert en 2010 l’un des seuls restaurants tokyoïtes à ne proposer que de la baleine. «J’essaie de proposer une cuisine moderne pour séduire les jeunes qui ne connaissent pas cette viande. Quand j’étais enfant, dans les années 60-70, nous avions fréquemment l’occasion de la goûter à la cantine de l’école. Après le moratoire, cela a été interdit.»

Originaire d’Ishinomaki, dans la préfecture de Miyagi, au nord-est de Honshu, région connue nationalement pour son activité baleinière, Tani Mitsuo s’est justement spécialisé dans l’apprêt du cétacé «lorsque sa pêche a été interdite en 1982 par la Commission baleinière internationale (CBI). J’ai eu peur que ce savoir-faire local, partie intégrante du patrimoine du Japon, ne disparaisse…»

Accoudé au comptoir du restaurant, Kubo Konomu, 53 ans, petites lunettes rondes et costume cravate de rigueur, écoute attentivement le chef et acquiesce. Secrétaire de la société de pêche Kyodo Senpaku Kaisha et de l’Association de promotion de la chasse à la baleine, Kubo Konomu en a mangé toute sa vie: «Et je tiens à continuer à le faire. Même si je n’en consomme que très rarement.» Il glisse dans la conversation que l’activité représente 9’000 ans d’histoire au Japon. «C’est le poisson que l’on partait pêcher au péril de sa vie. La baleine est un symbole extrêmement fort auquel nous tenons beaucoup.»

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