Journalisme Susan Orlean Journalisme Susan Orlean
© Larry D. Moore

Susan Orlean et les gens ordinaires

En 1973, Tom Wolfe inventait l’expression «Nouveau Journalisme» pour désigner ce type de reportage à mi-chemin du récit et du roman. L’auteur et directeur du programme de journalisme littéraire à l’Université de New York Robert S. Boynton reprend le flambeau et actualise le propos en exposant l’importance et la variété du journalisme littéraire contemporain à travers une série d’entretiens avec les grands noms du reportage telle Susan Orlean.

La journaliste du New Yorker Susan Orlean est réputée pour ses histoires décalées sur les gens ordinaires qui échappent habituellement aux radars du public, des gens ordinaires en qui elle parvient à déceler l’extraordinaire. On pourrait citer le portrait d’un garçon de dix ans, celui d’une femme de la banlieue du New Jersey qui garde des tigres, ou celui d’un chauffeur de taxi new-yorkais qui se trouve être également le roi des Ashantis. «Si on l’examine de près, même la vie la plus ordinaire se révèle magnifique et exceptionnelle, à mi-chemin entre la routine et l’héroïsme», écrit-elle dans l’introduction de The bullfighter checks her makeup: my encounters with extraordinary people (2001). «Je crois vraiment que l’on peut écrire sur tout, à partir du moment où ça nous intéresse. Mes histoires m’intéressent: c’est la seule et unique raison qui fait que je les raconte. Le défi consiste à réussir à les raconter de façon que d’autres personnes s’y intéressent autant que moi.»

Quels sont les types de sujets qui vous attirent?
Je ne fais pas du journalisme d’investigation, je ne suis pas à la recherche d’une histoire cachée, ni d’une machination qui se dissimulerait derrière les apparences. J’aime tomber sur une idée et songer: «Oh! Et dire que c’était sous mes yeux depuis si longtemps!» Mes histoires se répartissent en deux catégories: cette partie de la vie quotidienne à laquelle on n’arrête jamais de penser, d’un côté; et cette sous-culture que j’ai remarquée mais à laquelle je ne connais rien, de l’autre. Un bon exemple pour la première catégorie, c’est un article que j’ai écrit sur un supermarché. Un jour, j’étais au supermarché, et j’ai parlé au gérant de la manière dont fonctionne un supermarché (All mixed upThe New Yorker, 22 juin 1992). Ça avait l’air d’être un univers complexe, au fonctionnement digne de celui des Nations Unies (ce qui est une comparaison plutôt pertinente). Je tenais là un dénominateur commun majeur: on est tous allés au supermarché des milliers de fois, ça fait partie de notre monde, mais nous n’avons jamais songé à nous demander comment ça fonctionne. Pour la seconde catégorie, je citerais le portrait que j’ai fait d’un groupe de chanteurs de gospel (Popular chronicles: devotion roadThe New Yorker, 20-27 février 1995). J’ai été ébahie de découvrir un monde si important, avec ses stars, ses sagas, ses mythes, son histoire, ses millions d’adeptes, dont je n’avais jamais soupçonné l’existence au cours de ma petite vie. C’est le genre d’histoires pour lesquelles je suis plutôt une voyageuse ou une exploratrice, en opposition aux fois où j’écris sur ma propre vie. Je mets une sorte de zèle missionnaire à montrer à mes lecteurs que le monde est plus complexe qu’il n’en a l’air. J’essaie de les rendre plus curieux de choses qui ne les intéresseraient pas normalement. J’ai le pouvoir de dire: «Votre voisin, le chauffeur de taxi dont vous pensiez qu’il n’était personne, est en réalité un personnage fascinant! Venez avec moi, je vais vous montrer…» Mes lecteurs n’ont pas le temps de fouiller ces choses-là, moi si.

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