Les journalistes italiens sous le feu de la mafia

Chaque année, ils sont des centaines à être menacés de mort en raison de leurs écrits. Sous-payés, intimidés, censurés, ces enquêteurs continuent pourtant à dénoncer les organisations criminelles aux multiples ramifications politiques et économiques qui gangrènent leur pays.

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A la suite du succès en 2006 de son récit documentaire Gomorra, très accusateur à l'égard des activités de la Camorra, Roberto Saviano est victime de menaces de mort. Il vit depuis sous haute protection 24h/24 et ne dort jamais deux fois au même endroit. En juin 2018, le ministre de l'Intérieur Matteo Salvini menace de lever la protection policière dont il fait l'objet après ses critiques contre le gouvernement... © Enrique Carnicero

L’œil brillant, les cheveux en bataille, le visage épais, le polo ouvert sur un poitrail velu, une chaîne en or autour du cou, à l’aise dans ses baskets et son survêtement clair, Michele Zaza me regarde droit dans les yeux. Cet homme, c’est l’empereur de Naples. L’un des tueurs les plus fous de la Camorra (la criminalité organisée napolitaine) qui règne sur la ville, des plus beaux quartiers jusqu’aux bas-fonds. Il trafique les cigarettes par centaines de milliers de tonnes, la drogue, les armes et tout ce qui peut rapporter de l’argent. Tous les gamins napolitains des quartiers espagnols rêvent de sa villa de luxe à Beverly Hills – en Californie – ou de son yacht. Peu importe qu’il tue comme il respire. Il est riche, très riche. Et à Naples, comme partout ailleurs, milliard rime avec pouvoir.

Pour l’heure, Zaza ne veut savoir qu’une chose: si j’aime les supions. Les petites seiches grillées à l’ail sont en effet la spécialité du restaurant où nous nous trouvons. J’ai le redoutable privilège de déjeuner avec le chef le plus déjanté de la Camorra, l’unique non sicilien à avoir été admis à siéger au sein du gouvernement de la Cosa nostra sicilienne. Réfugié en France, l’Empereur de la Camorra vient juste de sortir de la prison marseillaise des Baumettes où il a fait un séjour de plusieurs mois. Nous sommes en 1992. J’enquête sur les rapports entre Berlusconi et la mafia. J’avais appris que le Napolitain se vantait d’en savoir long sur le sujet. Michele Zaza, c’est un peu comme le pape. N’obtient pas une audience qui veut. Il faut passer par des intermédiaires. En l’occurrence un agent du contre-espionnage italien qui assure la liaison entre son service et le chef de la Camorra. Rendez-vous est pris dans un restaurant de poisson de la banlieue niçoise. Devant l’établissement, dans une Jaguar, attendent un quinquagénaire flamboyant et, à ses côtés, une créature enveloppée dans un manteau de fourrure. Patron d’une radio libre marseillaise, le conducteur de la voiture de luxe a demandé audience auprès de Michele «le Fou». Lui et sa compagne attendront quatre heures, le temps que nous ayons fini de déjeuner. Non loin, je l’apprendrai par la suite, se planquent des flics armés d’appareils photo équipés de puissants téléobjectifs.

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