Sept.info | Un procès au goût d'inachevé (3/3)

Un procès au goût d'inachevé (3/3)

© Bibliothèque nationale de France
Henri Désiré Landru avec son avocat, Maître Vincent de Moro-Giafferri, lors de son procès à la Cour d’assises à Versailles du 7 au 30 novembre 1921.

Le procès d’Henri Désiré Landru touche à sa fin. L’homme est assurément un escroc. Mais doit-on aussi le considérer comme un assassin? A quelle peine le condamner sans aucune preuve matérielle? Place au réquisitoire du Ministère public et à la plaidoirie des avocats de la défense.

«Si Landru n’avait brûlé qu’une femme, écrit Le Petit Journal à la fin du mois de novembre 1921, il ne serait à vos yeux, Mesdames, Messieurs, qu’un assassin très ordi­naire. Mais il en a brûlé tellement que cela vous semble comique!» Dès que le rire se mêle aux larmes, il faut s’at­tendre à ce que la dérision s’impose et l’emporte. En cette ultime semaine du procès, les caricaturistes s’en donnent à cœur joie. En première page du Petit Parisien, notamment, on peut voir deux enfants «jouant à Landru». Le dessinateur les montre en train d’enfourner une poupée dans une cuisinière à charbon… Au-dessus du cartouche, une légende prévient: «Mamans, ne les grondez pas!» Ils ne font que s’amuser… Dans L’Avenir, Pierre Figerou peut donc écrire sans le moindre état d’âme: «Le Landru qu’il m’a été donné d’observer durant dix-huit après-midi n’était qu’un agent d’affaires louches, un primaire, verbeux et prétentieux ne produisant des effets comiques qu’involontairement. A part cela, j’ai vu un homme roublard et retors, un vieux cheval de retour de l’escroquerie, discutant à perdre haleine au sujet d’une date, d’un encaissement, d’une adresse, et s’arrêtant court, drapé dans une dignité d’occasion lorsqu’on lui parlait des successives disparitions. J’ai vu un homme impassible, que ce soit une mère qui pleure à la barre ou Mlle Segret qui s’y évanouit, un homme n’ayant que de furtifs sursauts d’une colère froide et jamais, jamais jusqu’à présent, un cri de révolte contre l’accusation qui l’ac­cable, un appel à la justice, une ardente protestation d’in­nocence. J’ai vu un homme qui répétait, avec l’air de quelqu’un qui veut coller un candidat: "Prouvez-moi donc que je suis coupable… Moi je me tiens derrière le mur de la vie privée." Pas une fois je n’ai vu Landru, accusé de onze assassinats, se lever, ému, passionné, affolé, pour clamer à ses juges: "Je suis la victime d’un épouvantable concours de circonstances. Je ne suis pas un assassin"»

Désormais, l’affaire Landru a pris les accents dérisoires du carnaval. Au théâtre du Guignol, il aurait été rossé sur place par ses propres amis, hué par les spectateurs qui l’avaient applaudi jusqu’ici… pour être enfin brûlé comme un polichinelle: celui dont on se débarrasse après la fête, parce qu’il rappelle un souvenir dont on a fait le tour et qui n’a plus lieu d’être. L’Illustra­tion parle quant à elle de condamnation en sorcellerie. Aussi, déclare Henri Béraud, «la tâche de la défense sera lourde et l’avocat général a toutes les chances de prendre un avantage définitif sur la décision des jurés». Le procès de Landru, subor­neur et criminel, se terminera donc sans lui, puisque, selon les termes mêmes de l’instruction, «un homme de cette trempe n’est susceptible ni de remords ni d’aveux».

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