Coriolan de la forêt (5/9)

© DR / sept.info
Une véritable amitié était née entre Stefano Bontate et Salvatore Contorno. Repas ou partie de chasse dans le domaine de Ficuzza, ils avaient toujours une bonne excuse pour se réunir. Ensemble, ils partageaient les mêmes craintes face à la montée en puissance du clan des Corléonais.

Depuis l'assassinat du chef de sa famille, Salvatore Contorno se faisait un point d'honneur de ne point céder à la panique. Il comptait sur une chance insolente qui ne lui avait jamais fait défaut. Jusqu'alors en tout cas.

Malgré les périls qui le menaçaient, Salvatore Contorno n'avait pratiquement rien changé à ses habitudes. Etait-ce là de l'inconscience? Du fatalisme? Ou plus simplement une nouvelle expression de cette bravoure qui lui avait valu le surnom baroque, sinon ridicule, de Coriolan de la Forêt? Depuis l'assassinat du chef de sa famille, son ami Stefano Bontate, et la série d'homicides que l'on sait, Salvatore Contorno se faisait un point d'honneur de ne point céder à la panique. Il continuait à mener une vie familiale guère plus discrète qu'à l'accoutumée, bien qu'en plus des tueurs lancés à ses trousses, il lui fallût aussi se méfier des «sbires» de la police palermitaine, son nom figurant depuis peu sur des avis de recherche largement diffusés. Il venait d'être condamné à une peine de vingt-six ans de prison pour avoir organisé l'enlèvement d'un industriel dans le nord de l'Italie, dans la très riche province de l'Emilie. Salvatore Contorno savait que de tous les gens qui le cherchaient les policiers étaient les plus faciles à éviter: il lui suffisait de ne pas dormir chez lui en période troublée; quand il y avait dans l'air comme une odeur de rafle, un parent se faisait toujours fort de l'héberger. Pour plus de précaution, il évitait de trop s'aventurer hors de son territoire, le Brancaccio, quartier est de la ville, sous l'autorité des hommes d'honneur depuis toujours. Et s'il advenait qu'il sortît de son domaine, c'était pour ne se hasarder qu'en terre amie, dans des zones contrôlées par Cosa nostra où il n'avait d'autres ennemis que ses pairs. Salvatore Contorno devait sans doute penser qu'il déjouerait facilement les ruses de ses adversaires en respectant deux règles élémentaires: éviter de sortir seul et surtout ne jamais se rendre à un rendez-vous, même fixé par un ami intime. Pour le reste, il comptait sur une chance insolente qui, il est vrai, ne lui avait jamais fait défaut, jusqu'alors en tout cas.

Contorno avait survécu au récent massacre des membres les plus proches de sa famille mafieuse avec un flegme admirable, comme en témoigne son emploi du temps de l'après-midi du 25 juin 1981. A bord de la petite voiture de sa belle-mère, une Fiat 127 toute simple que ne protégeait aucun blindage, il avait quitté le quartier du Brancaccio pour se rendre sur les hauteurs de Palerme, ou plutôt se jeter dans la gueule du loup, via Ciaculli, en pleine zone ennemie, à portée d'escopette de l'homme qui avait contribué à l'assassinat de Stefano Bontate et des siens, Michele Greco, le Pape, de sinistre mémoire. Si Salvatore Contorno se rendit à Ciaculli, ce n'était pas par souci de provocation ni même animé par quelque terrible projet de vengeance. A l'époque, il ne faisait que subodorer le rôle du Pape dans la vague d'assassinats en cours. C'était mû par un sentiment aussi filial que touchant qu'il était sorti de sa tanière une fois l'heure de la sieste passée. Accompagné de sa femme Carmela, de son fils Antonio et d'un ami de ce dernier, Salvatore Contorno allait ce jour-là rendre visite à ses vieux parents, qui résidaient via Ciaculli.

La suite de cette histoire est payante.

Abonnez-vous

Et profitez d'un accès illimité au site pour seulement 7.-/mois.

Je profite → Déjà abonné? Connectez-vous.

Achetez cet article

Nouveau: dès 0.50 CHF, payez votre histoire le prix que vous voulez!

Je me connecte → Paiement rapide et sécurisé avec Stripe