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Jean-Pierre Dutreuilh élève une centaine de vaches dans sa ferme à Birac, principalement des bazadaises. © Edgar Chaumond

Le dernier des maquignons

Trait d'union entre un monde paysan qui s'éteint et une agriculture globalisée, Jean-Pierre Dutreuilh est un vendeur de bétail hors du temps. Depuis les années 70, il sillonne la campagne du sud-ouest de la France pour son commerce de bovins.

Comme tous les mercredis, Jean-Pierre Dutreuilh se lève au beau milieu de la nuit. Son béret landais vissé sur la tête, il fait monter un par un ses animaux dans sa bétaillère tous feux allumés. Enveloppés d’un épais brouillard, le corps de ferme, les étables et le séchoir à tabac qui entourent la cour de l’exploitation familiale forment un décor confus et indistinct. Les nuits sont fraîches en ce mois de novembre 2018 à Birac, village de deux cents âmes du Sud-Ouest cerné au nord par les vignes bordelaises et par la forêt landaise au sud. Blouse noire, bottes impeccables, bâton posé sur le siège passager, le maquignon s'élance, à trois heures tapantes, sur les petites routes de campagne girondines. Direction Agen et son marché aux bestiaux hebdomadaire. Les yeux fixés sur l'asphalte dont il connaît chaque lézard, le septuagénaire roule prudemment. «Je passe rarement plus de huit jours sans aller au marché, lance-t-il avec son accent chantant de Gascon, parce que c'est un peu ma vie.» Aujourd'hui, il espère vendre six vaches de réforme, achetées la veille à un client, et un jeune broutard issu de son troupeau d’une centaine de têtes, principalement des bazadaises, une race locale de petite taille, rustique et à la robe grise qui lui vaut aussi le nom de «grise de Bazas».

A l'entrée du foirail, malgré l’heure matinale, de nombreux camions remplis de bétail patientent déjà devant la loge où s'effectuent les enregistrements pour accéder au marché. A l’intérieur, imperturbable, une femme d'une quarantaine d'années, cheveux blonds et petites lunettes posées sur le bout du nez, remplit un à un les formulaires. «C'est la comptable de la mairie d'Agen», me souffle Jean-Pierre. Quand elle l’aperçoit, elle passe la tête par la guérite et lui fait signe d'avancer directement jusqu'au parking. Il règlera ses taxes plus tard. Après l’avoir remercié d'un geste entendu de la main, le maquignon s'empresse de décharger ses bêtes à l’emplacement qui lui a été attribué dans une grande halle de 11’000 m² éclairée par des néons blancs. Cette mégastructure de poutres en bois lamellé-collé a remplacé dans les années 1980 l’ancien marché qui se tenait alors en centre-ville, sur les bords de la Garonne. Les animaux hésitent quelques secondes à l'ouverture des portes - la plupart d'entre eux n’ont jamais quitté leur campagne -, avant de descendre la rampe vers leur nouvel enclos. Ils reniflent le sol un peu nerveusement, observent ce nouvel environnement froid et métallique. Une fois tout son petit monde installé, l’éleveur part inspecter la marchandise de ses collègues. Même si les transactions ne sont autorisées qu'à partir de sept heures, il n'est pas interdit de jeter un coup d'oeil et de papoter. A l’instar des autres commerçants, Jean-Pierre ratisse méthodiquement chaque allée. Dans des effluves d’eau de Cologne, les négociants scrutent attentivement les animaux, notent les noms des éleveurs, se racontent leurs dernières histoires de vaches et de clients. L'heure des transactions approche. Ce matin, quelque 800 bovins sont à vendre, majoritairement des blondes d'Aquitaine et des limousines, mais aussi des races plus confidentielles comme la bazadaise, la gasconne ou la salers qui sont élevées dans tout le Sud-Ouest, depuis les plaines pyrénéennes jusque dans le Tarn et l'Aveyron. Huit cents, c'est peu, mais c'est la norme depuis plusieurs années. «A l'époque, il y en avait beaucoup plus et tous trouvaient preneur. Maintenant, il arrive souvent que des vendeurs repartent avec leur marchandise, soupire l'homme né à la fin des années 40. Heureusement que l'export nous fait encore travailler.»

Sept heures, un coup de sifflet annonce l’ouverture officielle du négoce. La plupart des transactions se règlent en quelques minutes. Dans ce monde d'hommes, ça gueule, ça fume, ça tape sur le cul des bêtes. Entre les meuglements en cascade et les tubulures métalliques qui s'entrechoquent, commerçants, éleveurs et exportateurs s'échangent de petits papiers. Des chiffres y sont gribouillés, le tarif pour une bête ou un lot entier. Les veaux partiront pour l'engraissement et la boucherie, les vaches de réforme approvisionneront les abattoirs industriels de la grande distribution et les broutards seront principalement vendus pour l'exportation. Dès que le vendeur accepte le prix proposé, le bout de papier scelle l'échange et fait office de bon de commande. Ne reste plus qu'à déplacer les bêtes. Par un jeu astucieux de barrières qui s'ouvrent et se ferment, chaque animal est guidé vers l’une des extrémités de la halle, là où l’attend le camion de son nouveau propriétaire.

Avec son important cheptel de vaches reproductrices – plus de dix millions -, la France alimente en jeunes bovins une grande partie de l'Europe, du Maghreb et de la Turquie. Cette mondialisation a créé de nouvelles opportunités tout en dérégulant dangereusement le secteur. «Jusque dans les années 2000, le prix d’une vache était relativement stable, maintenant il peut varier de 15% d’une semaine à l’autre», confirme Jean-Pierre, qui enchaîne les discussions tout au long de la matinée avant de retrouver un ami exportateur pyrénéen. L'homme d'une soixantaine d'années achète chaque semaine de nombreux broutards pour le marché espagnol. Les mains sur les hanches face à un lot de vaches à lait, il fronce les sourcils. «Tu veux te lancer dans la production laitière?» lui lance le vieux maquignon. Le négociant rigole, avant de couper court: «Tous les producteurs sont en train d'arrêter. Je n'ai jamais vu autant de vaches à lait ici.» Le sujet est grave. Si le nombre d'éleveurs diminue, mathématiquement, le commerce aussi. «Quand j'ai commencé dans les années septante, il y avait des dizaines de marchés aux bestiaux rien que dans le Sud-Ouest. Agen est le dernier, se désole-t-il. A Bordeaux, par exemple, le foirail était entièrement pavé et le train passait à travers. C'était magnifique, mais tout a disparu.» Par gain de temps, productivité oblige, mais aussi pour éviter tout risque de contamination, les abattoirs passent désormais directement commande aux grosses exploitations et délaissent ces zones de transit. Autour d'un café crème, entourés de commerçants attablés devant leur assiette d'entrecôte frites dans le bistrot du marché, les deux amis poursuivent leur discussion, ressassent leurs souvenirs. «Ce n’est pas seulement cette ambiance qui est en train de disparaître, mais aussi les patois qui ne sont plus parlés, les races de vaches qui s’uniformisent et les savoir-faire qui se perdent», m’assure Jean-Pierre, un brin mélancolique.

Au volant de sa bétaillère rouge et blanche, son béret toujours vissé sur la tête, le maquignon n’est pas mécontent de sa matinée. Ses six vaches sont parties en Charente et son broutard pour l'Espagne. Le tout, à bon prix. Combien? Pour seule réponse, Jean-Pierre laisse échapper un sourire satisfait. «Conduire, ça donne le temps de penser aux affaires, déclare-t-il en lissant ses imposantes moustaches blanches. Tiens, ici, je suis venu acheter des vaches, s’exclame-t-il en pointant du doigt une exploitation qui borde la route. Là, un peu plus loin, aussi…» Sous le timide soleil de novembre, le givre matinal et la brume ont cédé la place aux couleurs chatoyantes de l’automne. En passant devant une vieille ferme à l’abandon, une anecdote refait surface: «Cette famille-là, tu pouvais leur faire gagner des milliers d'euros, elle ne t'offrait même pas un verre d'eau. Maintenant, il n'y a plus aucune bête. Les anciens disaient que les vaches, ça habille les campagnes alors qu'un tracteur qui laboure, c'est toujours pareil.»

Pendant ce temps-là, à Birac, Francine, sa femme, s’occupe de deux veaux dont les mères sont incapables d’allaiter. Deux fois par jour, emmitouflée dans sa polaire noire, elle conduit auprès d’eux une vache laitière réformée, qu'on appelle une nourrice, pour les faire téter. Mariés dans les années 1970, Jean-Pierre et Francine n’ont jamais cessé de travailler ensemble à la ferme où ils ont élevé leur fille unique, aujourd'hui commerçante dans une grande surface située à une quinzaine de kilomètres. Francine s’occupe de l’administration de l’exploitation, mais également de Mamie Dutreuilh, 95 ans. Assise dans son fauteuil au milieu du salon, la mère de l’éleveur porte une grande robe bleue, des charentaises bien rembourrées, des lunettes épaisses et regrette le temps où elle pouvait davantage participer aux tâches quotidiennes. Si sa jambe droite la fait un peu souffrir et l'oblige à de fréquents allers-retours chez des spécialistes à Bordeaux, c'est encore elle qui répond au téléphone avec ses mains puissantes, héritage d'une vie de travail manuel intense. Chaque fois que son fils lui raconte sa journée au marché, elle trouve cela «joli», c'est sa manière de donner son approbation. Et quand elle se retrouve seule à la maison, elle invite tous les gens de passage à venir boire un verre, ce qui ne manque pas d’agacer son fils: «Ce n'est pas raisonnable avec tout ce que l'on entend. Parfois, on est obligé de fermer la porte à clef sinon elle ouvre à tout le monde.» Il faut dire que la ferme Dutreuilh est un lieu de passage pour de nombreux éleveurs depuis que le grand-père de Jean-Pierre s’est lancé pendant l'entre-deux-guerres dans le commerce de bestiaux, en sus de ses travaux de paysan. «Mon pauvre aïeul faisait tout à pied. Il pouvait marcher cent kilomètres pour vendre une bête», assure son petit-fils qui parcourt les mêmes routes menant toujours chez les mêmes familles. Cette proximité lui confère une place essentielle d’intermédiaire entre les petits éleveurs, souvent âgés, et le monde extérieur. «J'aime ma clientèle. Ce sont de braves gens, mieux, des amis. Malheureusement, ils abandonnent les uns après les autres leur activité à cause des lourdeurs administratives et réglementaires qui leur imposent de fréquentes prises de sang, des vaccins... Sans parler des contrôles réguliers des autorités sanitaires pour vérifier la conformité aux normes européennes.»

Après un bon steak de bœuf, accompagné de haricots verts de la ferme et d’un verre de vin, suivi d'une sieste d'une demi-heure, l’éleveur reprend le volant. Direction le magasin de bricolage de Bazas, chef-lieu du canton, pour acheter du fil de fer barbelé afin de réparer une clôture. Dans l’un des rayons, il croise un ancien camarade de classe, Michel Laporte. En bon chasseur, il peaufine les derniers préparatifs de la saison de la palombe, une tradition locale qui voit chaque année les passionnés se poster dans une cabane et tenter de capturer des palombes – des pigeons ramiers - au moment de leur migration à l'aide de pigeons domestiques. Pas de chance. Le magasin est en rupture de stock de barbelés. «Dans quau mounde poden biye? Léou lous maquignouns naorant pas meil de vaques a vende!» (Dans quel monde vit-on? Bientôt même les maquignons n'auront plus de vaches à vendre!), plaisante Michel en patois, avant de poursuivre sa route avec son manteau camouflage sur les épaules et son caddie rempli de ficelles, de clous et de cartouches de fusil. «Mon père et mon grand-père ne parlaient jamais en français entre eux, mais en occitan, précise Jean-Pierre. Si je peux, je discute et surtout je négocie en patois.» Lou paloumèyres, ceux qui chassent la palombe, lou gemey, ceux qui récoltent la sève des pins, autant d’expressions qui décrivent les habitudes et les paysages propres à ce petit bout de Gironde menacés de disparition.

Une semaine plus tard, je reviens à la ferme Dutreuilh pour un événement incontournable dans la vie des éleveurs: la prophylaxie annuelle. Deux jours durant, comme la loi l’impose, le troupeau de Jean-Pierre va être contrôlé par un vétérinaire afin de s'assurer que ses bêtes ne sont porteuses d'aucune maladie. «Je fais une prise de sang au niveau de la dernière vertèbre située à la naissance de la queue», précise Jean-Philippe Dirson, cheveux en broussaille et tempes grisonnantes, qui officie depuis plus de trente ans dans la région. Les prélèvements sont ensuite envoyés au laboratoire d'analyse départemental qui centralise les examens cliniques du secteur. Deux cousins, Benoît et Damien Dutreuilh, ainsi que l'ancien boucher de la famille, Michel Lafont, ont été appelés en renfort. Dans l’étable proche de la ferme, une dizaine de vaches attendent leur tour, indifférentes. Le bâtiment est d’époque: plafond bas, auges creusées dans la pierre et bottes de foin rangées dans le grenier. Quand le vétérinaire entre, les bazadaises encordées ne bronchent pas. Elles connaissent l’homme et ne s'en méfient pas. Il se glisse derrière chacune d'elles, leur soulève délicatement la queue et plante sa petite seringue d'un geste rapide et efficace dans la quasi-pénombre. «Chez certains exploitants, je peux procéder à trois cents prises de sang en une matinée. Ici, je n’en fais qu’une trentaine, car les animaux ne sont pas regroupés. Ce n'est pas très rentable (le vétérinaire ne facture à l'éleveur pratiquement que l’acte de la prise de sang, ndlr), mais je viens pour le contact humain. La prophylaxie, c'est l'événement de l'année chez les Dutreuilh. Je ne vois plus cette ambiance ailleurs.» Dans le champ face à l'étable, Damien et Benoît ont fait entrer un lot de broutards dans un couloir de contention, une structure métallique dans laquelle les bovins sont canalisés, qui facilite et sécurise la manipulation. Adossés à une barrière, cigarette au bec et bottes dans la boue, les cousins Dutreuilh, la cinquantaine et également éleveurs, patientent. Les broutards derrière eux ont le poil lisse, le cuir souple, les muscles du dos et du fessier bien ronds. Jean-Pierre s'approche d'eux et les caresse affectueusement avant de dresser fièrement et dans le détail leur généalogie, comme dans une grande réunion de famille, sous le regard mi-amusé, mi-agacé du vétérinaire. «Celui-là, c'est le fils du taureau qu'on a fait naître en 2002. L'autre qui est derrière, c'est le frère de la petite vache qui n'avait pas beaucoup de formes, mais qui était la plus brave des génisses...»

La première journée de prophylaxie touche à sa fin. Pour autant, le maquignon n’en a pas encore terminé. Il doit encore nourrir ses bêtes. Pas une mince affaire, quand on sait qu’elles sont réparties dans quatre parcelles d'une dizaine d'hectares, situées à quelques kilomètres de la ferme. Chacune dispose d'un hangar où le foin est stocké et d'un tracteur pour le transporter afin d’éviter les déplacements inutiles. Jean-Pierre s'occupe d’abord de trois veaux récemment sevrés et séparés de leur mère. Ils n'arrêtent pas de beugler. Alors qu'il leur apporte un sceau de granulés, un voisin d'une soixantaine d'années surgit, l’air mécontent. «Je n'ai pas dormi de la nuit hier, tes veaux n'ont pas arrêté de gueuler», fulmine-t-il. Jamais avare d'un bon mot, Jean-Pierre se retourne et lui répond du tac au tac: «C'est que tu ne dois pas être bien fatigué de ta journée.» Vexé, l'homme en jogging et crocs bleu-marine rebrousse chemin sans demander son reste tandis que Jean-Pierre se dirige en maugréant vers le hangar en bois défraîchi à l’autre bout du champ. Il démarre son vieux tracteur McCormick et pique une botte de foin pour l'amener dans un râtelier autour duquel une dizaine de vaches broutent tranquillement. «Les bêtes, c'est comme les humains, elles comprennent si tu leur parles gentiment. Il faut les aimer et surtout les respecter. C’est ainsi qu'on obtient une viande tendre dans l'assiette. Si certaines sont complètement barjots, c'est parce que leur éleveur ne fait que les insulter.» Alors que la plupart des bœufs en France sont abattus à l’âge de trois ans, à Birac, les meilleurs spécimens restent au champ deux années supplémentaires. «Au niveau du goût, ça n'a rien à voir. Par contre, c'est plus lourd pour la trésorerie. Heureusement qu'on arrive encore à bien vendre nos bêtes chez le boucher.» La réputation de la bazadaise n'est plus à faire et les amateurs viennent de loin pour se fournir. Ainsi, à Bazas, on compte cinq bouchers pour 5’000 habitants, dont Vincent Lafont qui a repris l’affaire familiale en 2012. Derrière son comptoir, ce gaillard de quarante-neuf ans, petite barbe de trois jours, nez cabossé et cernes sous les yeux, travaille la viande de Jean-Pierre qui lui fournit un animal par semaine, généralement des bazadaises. «La race, ce n'est pas le plus important. Il faut surtout une bonne bête, bien soignée», précise le commerçant qui affirme reconnaître au premier coup d’oeil une chair de bonne qualité. Pour me le prouver, il se rend dans sa chambre froide et en ressort avec une demi-carcasse sur l’épaule qu'il pose délicatement sur une table en inox. Il sort ensuite une feuille de boucher, un couteau, dont la large lame ressemble à une feuille format A5, et découpe la pièce avec précision au niveau des côtes. La viande est rouge sombre, persillée. «Parfaite, comme 95% des bêtes que Jean-Pierre nous vend», se réjouit-il.

Dans la cuisine des Dutreuilh, Francine prépare une omelette avec des cèpes qu'une amie lui a apportés dans la journée. Son mari, lui, répète qu'il aimerait réduire son activité, mais que ce n'est pas si simple. «Je viens encore d'acheter un troupeau d'une dizaine de blondes d'Aquitaine à un jeune couple qui a décidé de déménager. Ils pleuraient avec leur petite fille quand je suis venu chercher les vaches», raconte-t-il, un verre de sangria à la main. «Toujours plus de travail», rouspète gentiment Francine tout en essuyant la buée sur ses petites lunettes violettes. Le maquignon en a bien conscience: «C’est difficile pour un marchand de vaches de refuser de bonnes bêtes. On se gronde un peu parfois tous les deux sur le sujet, mais jamais très longtemps, car, dans un couple, il faut être uni», philosophe-t-il sous l’oeil amusé de sa mère assise dans un coin de la pièce. Quant aux vacances, il concède dans un haussement d’épaules qu'ils n'en prennent pas souvent. Francine fait la moue. Ils n'en prennent jamais à vrai dire. «Je suis plus heureux au milieu de mes vaches que sur l'autoroute ou à Paris, se justifie-t-il. Les voyages me fatiguent. Et puis, mes bœufs ne peuvent pas m'attendre sinon ça détraque énormément leurs habitudes. Cette vie, même si elle n’est pas meilleure qu’une autre, c’est la mienne, celle que j’ai choisie.» Après avoir jeté un dernier coup d'oeil vers ses champs, Jean-Pierre rejoint Francine dans le salon pour terminer la soirée devant la télévision. Demain, le dernier maquignon du Sud-Ouest reprendra sa bétaillère rouge et blanche; comme tous les jours depuis des décennies, il sillonnera par monts et par vaux sa campagne girondine pour son commerce, pour ses clients.