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Jeldiz, présidente du comité local de lutte contre les discriminations faites aux femmes, dans les rues du village de Kant, près de la capitale Bishkek.© Eleonora Vio / Nawart Press

Le rapt des fiancées kirghizes

Depuis la chute de l’URSS, l’enlèvement non consenti des jeunes filles est devenu courant dans la petite république d'Asie centrale. Pourtant, cette pratique est fruit d’une mauvaise interprétation de la tradition.

C’était un jour d’été. Kesjibe rendait visite aux parents de son amie Elina à Kant, un village situé dans la vallée de la Tchouï, 20 kilomètres à l’est de la capitale du Kirghizistan, Bishkek. Les deux jeunes filles, qui fréquentaient l’Université de Bishkek, avaient décidé de s’évader quelques jours loin de la chaleur urbaine. 

Un jour que le soleil se faisait particulièrement lourd et pénible, elles s’éloignèrent du village pour se rafraîchir à la source d’eau où elles croisèrent Abakhid et ses amis qui se reposaient à l’ombre d’imposants châtaigniers. Les filles commencèrent à passer de l’eau sur leur visage et leurs longs cheveux noirs tombant aux épaules, sans porter attention aux regards appuyés des jeunes hommes. Lorsque soudain Abakhid courut vers Kesjibe, la captura et l’emmena dans sa famille pour l’épouser au plus vite.

Si le rapt de Kesjibe s’apparente à une version moderne du conte mythologique de Zeus et Perséphone, cette histoire n’a rien d’une légende: c’est la réalité subie par de nombreuses femmes au Kirghizistan aujourd’hui.

«Dans les villages comme Kant, le mariage le plus répandu est celui par enlèvement, l'ala kachuu, explique amèrement Jeldiz, présidente du comité local de lutte contre les discriminations faites aux femmes et pour l’éradication de l’enlèvement travaillant à la mairie de Kant. Moi-même, j’ai été kidnappée par mon mari. Tout le monde pense que c’est une ancienne tradition et qu’on ne peut pas y échapper. Si une femme refuse ce type de mariage, sa famille et le village entier se sentent humiliés. C’est pour cette raison que finalement, la majorité des femmes accepte.»

Ancienne république de l’Union soviétique jusqu’en 1991, le Kirghizistan est aujourd’hui le plus pauvre des pays d’Asie centrale. Peu d’études ont été consacrées au ala kachuu; cependant plusieurs ONG et universités états-uniennes estiment qu’au minimum 40% des femmes kirghizes seraient mariées après enlèvement, voire même jusqu’à 80% à en croire certains rapports. Selon Kidnapping for marriage (ala kachuu) in a Kyrgyz village, l’étude sociologique du professeur Russell Kleinbach publiée en 2004 et considérée par de nombreux spécialistes comme l’une des plus complètes, deux tiers de ces femmes ne seraient pas consentantes.

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